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pour éloigner les ouvriers italiens de son école. Hier enfin, c’était le ministère anglais qui décachetait ses lettres pour dénoncer ses espérances et ses amis aux polices austro-italiennes, et les persécutions contre les réfugiés se renouvelaient en Italie et même en France. Après tant d’efforts, après tant de sacrifices, le conspirateur de Gênes, exilé aujourd’hui de tout le continent, n’a que l’honneur d’être l’homme le plus compromis de l’Italie ; avec moins de souffrances, s’il s’était maintenu à Marseille en développant des idées plus modérées, il pouvait devenir un des hommes infuens de son pays.

Depuis l’expédition de Savoie, le parti national, inopinément relevé par l’échec des exaltés, a cherché naturellement à résoudre en sa faveur les problèmes posés par M. Mazzini. L’insurrection étant impossible, il a voulu démontrer qu’il fallait préparer le peuple à un mouvement national par des moyens pacifiques à la portée de tout le monde. Tel était, en propres termes, le projet dilue société anonyme qui imprimait son manifeste il y a cinq ans[1]. Des hommes très respectables et profondément découragés proposaient d’habituer les Italiens à considérer Rome comme la capitale de la péninsule, d’activer la correspondance des vieilles académies italiennes ; ils recommandaient les voyages, les exercices gymnastiques, la chasse, la natation. On parlait de multiplier les salles d’asile, les hôpitaux, de fraterniser avec les basses classes dans les églises et dans les fêtes populaires, de répandre la langue italienne, de supprimer les patois, d’ouvrir une foire de livres à Pise, à l’imitation de celle de Leipzig. Bref, on voulait faire la charité à l’industrie, au commerce, au pays ; on remplaçait la politique par la morale, dans l’attente d’une insurrection très éloignée.

M. le comte Balbo a présenté sous une forme nouvelle et plus décourageante encore les vœux des réformistes italiens. L’auteur des Espérances de l’Italie[2] ne croit pas qu’on puisse faire des révolutions sans la permission des diplomates, des princes, des rois, et sans des armées parfaitement équipées. Il a beau jeu contre les projets des patriotes italiens. Veulent-ils fonder des républiques fédératives ? C’est lié une idée criminelle. Proposent-ils de relever le royaume d’Italie ? le royaume d’Italie était une solennelle imposture de Napoléon ; il n’y a qu’une politique de boutiquiers et de rhétoriciens qui puisse y revenir. Espère-t-on qu’un prince réunira un jour l’Italie sous un seul gouvernement ? cet espoir est un rêve. Les dynasties régnantes pourraient-elles

  1. Nostro parere sulle cose d’Italia ; Paris, 1839.
  2. Delle Speranze d’Italia ; Paris, 1844.