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national ; plus tard, au XVIIIe siècle, on combattait la philosophie des barbares avec les préjugés italiens. C’est l’esprit d’indépendance qui réveilla l’orgueil aristocratique dans l’ame républicaine d’Alfieri. Cette bizarre tendance atteint le dernier terme de l’exagération chez un autre Piémontais, le comte Galliani de Cocconato, qui, au temps du Conciliatore, écrit un livre extravagant où il compare l’invasion française aux descentes des barbares[1]. On comprend que la censure autrichienne ait protégé de toutes ses forces ce patriotisme rétrograde.


III – LA LITTERATURE ITALIENNE APRES 1830. — M. MAZZINI. — M. LE COMTE BALBO. — L’ANONYME TOSCAN. — M. NICOLINI

L’opposition de la restauration s’était distinguée de l’opposition napoléonienne par des idées plus positives, une littérature plus sérieuse ; elle avait fait un continuel effort pour concilier la poésie avec les intérêts du libéralisme. Malheureusement, cet effort avait été impuissant sur tous les points. Le Conciliatore rapprochait au hasard des idées contradictoires, les carbonari ne pouvaient appliquer les principes des sociétés secrètes aux affaires publiques de l’Italie, les bonapartistes se trouvaient déplacés dans la péninsule après la mort de Napoléon, les hommes plus modérés méconnaissaient comme Botta la ligne qui sépare la révolution de la contre-révolution. M. Mazzini fut le premier à tenter une voie nouvelle en se plaçant au point de vue de la révolution de juillet. Très jeune en 1828, il fonde un journal littéraire dans sa ville natale de Gênes : l’Indicatore genovese est supprimé, au bout de quelques mois, par ordre du gouvernement. L’année suivante (1829), M. Mazzini renouvelle la tentative à Livourne par l’Indicatore livornese ; nouvelle suppression. Le jeune écrivain ne traitait encore que des questions littéraires, et sa parole passionnée donnait déjà l’alarme aux gouvernemens. A l’époque de la révolution de juillet, M. Mazzini est arrêté avec quelques libéraux de Gênes, jugé par une commission de sénateurs, relégué sans motif dans la forteresse de Savone, puis relâché, après cinq mois, à la condition de ne pas se

  1. Le Conciliatore attaqua le comte Galliani de Cocconato, et la censure se repentit d’avoir permis la publication de l’article ; une seconde fois, le Conciliatore n’attaqua que M. Galliani : la censure, croyant qu’il s’agissait d’une autre personne, se laissa tromper encore. Bientôt cependant un article adressé au comte de Cocconato mettait une troisième fois en défaut la vigilance des censeurs. Ceux-ci ouvrirent enfin les yeux, et protégèrent le comte piémontais sous les trois noms qui le désignaient.