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piémontaise nous présente le caractère tout italien d’une insurrection combinée avec une conspiration. D’une part se trouvent des conspirateurs, comme le prince de Carignano, appuyés sur le carbonarisme français et lombard ; de l’autre sont des insurgés, c’est-à-dire la jeunesse qui s’indigne, et quelques régimens qui se soulèvent. Le concours de ces deux forces était indispensable, et ce concours a manqué. L’insurrection éclata quand la conspiration gouvernementale avait cessé ; Carignano, le levier qui devait tourner l’état, fit défaut, et personne ne put remuer la masse inerte du gouvernement. L’insurrection fut bientôt écrasée.

Le général Colletta[1] est avant tout l’homme du pouvoir : pour lui, presque toute la révolution de 1820 n’est qu’une série de fautes : elle se déclare sans motifs., elle cède sans courage. Colletta ne déguise nullement son mépris pour le carbonarisme. La secte n’est à ses yeux qu’une société secrète bonne pour amuser la curiosité du peuple, mais non pour le délivrer de l’esclavage. Colletta est un bonapartiste, mais au fond il ne combat la révolution que dans les moyens qu’elle emploie et dans les hommes qui la représentent. Ennemi naturel de la monarchie de Ferdinand, il évoque contre elle les plus douloureux souvenirs de l’histoire napolitaine. Jamais écrivain politique n’a ouvert à une cour moderne un plus terrible procès devant la postérité. Colletta n’oublie rien, n’omet aucun détail ; il signale toute la barbarie de l’administration militaire et financière, il dénonce les intrigues diplomatiques de la cour : c’est un sombre et affligeant tableau. Cependant quelle sera la conclusion de l’historien ? Si les révolutionnaires sont incapables, si les royalistes sont des bourreaux, où donc pourront se fixer les sympathies de Colletta ? A part les deux règnes de Joseph et de Murat, quelle époque de l’histoire napolitaine trouvera grace devant le ministre bonapartiste ? D’un retour aussi stérile vers le passé au désespoir politique il n’y a qu’un pas pour celui qui ne peut, comme Silvio et Manzoni, se réfugier dans la résignation chrétienne. Aussi Colletta, de même que Foscolo, n’aurait pu échapper au désespoir que par une haine violente contre les idées de la révolution française, contre ces idées qui, également funestes aux révolutionnaires et aux contre-révolutionnaires italiens, créaient au pays une situation si douloureuse. C’est ce sentiment d’irritation contre la France qui a dicté à Charles Botta son Histoire de l’Italie depuis 1789 jusqu’en 1814.

Si l’on en croit Charles Botta, la liberté est ancienne en Italie ; l’historien

  1. Storia del regno di Napoli ; Paris 1820.