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la tête des insurgés : l’armée, la garde nationale de Naples l’acceptèrent comme chef, la cour était aux pieds du général carbonaro. Le général Pepe, qui a écrit d’après ses souvenirs le récit de ces évènemens[1], se demande quelles sont les causes qui ont perdu la révolution napolitaine. La réponse serait facile ; il faut chercher ces causes avant tout dans l’impuissance du carbonarisme à pénétrer dans les masses ; mais la clairvoyance du général est ici en défaut : il n’a pas le sentiment de la puissance de la multitude et n’accuse que quelques individus. C’est de plus haut qu’il faudrait juger les faits pour comprendre comment l’épreuve des luttes publiques a toujours été fatale aux sociétés secrètes. D’autres conspirateurs napolitains ont publié leurs mémoires ; tous oublient que la révolution devait son origine à une conspiration, et que cette conspiration était poursuivie comme un fait exceptionnel dans la société napolitaine. Prêtant au royaume des Deux-Siciles les idées du carbonarisme, ils s’irritent quand ils le voient repousser les tendances révolutionnaires et laisser passer la justice du roi. De là bien des polémiques personnelles, bien des injustices : l’auteur de la révolution, Pepe, n’est pas épargné plus que les autres. On n’a pas vu que le carbonarisme, après s’être emparé de l’état par un coup de main, devait se trouver à son tour écrasé par les forces du royaume aidées de la gendarmerie autrichienne. Il était aisé de prévoir la réaction royaliste ; on l’avait vue se déclarer de bonne heure dans le ministère, dans le parlement, dans les églises, plus tard dans les désertions de l’armée, dans les rues de Naples, où la vie des libéraux était menacée par les partisans de Ferdinand. Malgré des symptômes aussi manifestes, les conspirateurs de 1820 s’obstinaient à imputer leur échec à quelques traîtres et même à la perfidie du roi ; ils ne soupçonnaient ni la puissance du parti vainqueur ni la faiblesse du parti vaincu.

Après le livre du général Pepe, qui représente le carbonarisme pur de 1820, l’écrit de Santa-Rosa[2] nous offre une autre nuance du libéralisme italien. D’après Santa-Rosa, l’insurrection piémontaise est une révolution contremandée ; mais est-ce que l’on contremande les révolutions ? Non, les peuples s’insurgent spontanément ; les conspirations seules, qui se forment dans les régions du pouvoir et qui se passent de l’action des masses, peuvent être contremandées. L’échauffourée

  1. Relazione delle circonstanze relative agli avvenimenti politici e militari in Napoli 1820-21, diretta a S. M. il Re delle due Sicilie ; 30 septembre 1821.
  2. Della Revoluzione militare del Piemonte.