Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 9.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la solitude inspire à Pellico, poème étrange, et qu’on ne peut comprendre, si on y cherche autre chose qu’une des pages les plus curieuses de l’histoire du cœur. Un autre poète, M. Giovanni Berchet, restait plus fidèle à l’inspiration révolutionnaire du Conciliatore[1]. Jeune encore, admirateur exalté de Bürger, vers 1816, il parlait pour la première fois à l’Italie du romantisme. Dans le journal de Pellico, il couvrit de ridicule les serviles Italiens ; chacun de ses articles était un éclat de rire ; sa bonne humeur nuisait à son esprit. En 1821, l’année des supplices, il partit pour l’exil : dès-lors, son ironie s’évanouit, l’indignation réveilla son génie, il se sentit poète comme Bürger ; le mouvement rapide et énergique de la ballade de Lénore lui revint en mémoire, et ses strophes emportées retracèrent les scènes tragiques de la contre-révolution italienne. La honte, le malheur sous toutes les formes que lui donne la conquête autrichienne, la trahison de Carignano, le rêve de l’indépendance italienne dissipé par la prison et l’échafaud, le pacte des rois contre les peuples, les combats héroïques de la Grèce, voilà ce qui inspire Berchet, voilà ce qu’il raconte avec un accent de colère qui n’avait pas encore retenti en Italie. Exilé depuis vingt-trois ans, Berchet mène aujourd’hui une vie errante ; il a vécu tour à tour à.Londres, à Edimbourg, en Allemagne, en France, en Belgique. Nulle part il n’a voulu choisir une nouvelle patrie : il refuse l’amnistie de l’Autriche ; il ne veut pas revoir l’Italie asservie. Le patriote lombard a tout dédaigné, jusqu’à la gloire ; ses vers tiennent en quelques pages, je ne sais pas même s’il s’en souvient ; c’est l’indignation qui les lui arrachait, et partout où l’indignation italienne cherche une parole pour s’exprimer, on les répète comme un belliqueux refrain.

A la littérature du Conciliatore on peut rattacher comme appendice historique les ouvrages de G. Pepe, de Santa-Rosa et de Colletta, sur les insurrections de Naples et du Piémont. Le général Pepe avait été républicain en 1799. Soldat sous Murat, conspirateur constitutionnel en 1814, il était chargé en 1818 de détruire les brigands dans les Calabres, et il profitait de sa mission pour y organiser dix mille gardes nationaux carbonari, tous dévoués à sa personne par le double lien de la secte et de la discipline militaire. Les brigands disparaissaient, et le bon ordre était assuré ainsi que le succès de l’insurrection. C’est de là que partit en 1820 la révolution de Naples. Le mouvement s’imposa à la capitale ; Pepe se trouva naturellement à

  1. Poesie di Giovanni Berchet ; Paris, chez Baudry.