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dans cette apologie, dit l’éditeur italien, M. Mazzini, comme celle de Jésus sur le suaire, inconsolable, sévère et dédaigneuse. » - « L’Apologie m’a été lue, dit un autre Italien, M. Panizzi, par le malheureux Foscolo, qui blasphéma, pleura, corrigea, commenta devant moi pendant six heures, depuis huit heures du soir jusqu’à deux heures du matin ; puis, en pantoufles et en robe de chambre, il m’a accompagné jusque dans Regent-Street. Jamais il ne m’avait été donné de voir un homme plus inspiré ; c’était extraordinaire. »

La dernière pensée de Foscolo, abreuvé de dégoûts en Angleterre et tombé dans la misère, avait été de retourner dans son pauvre pays de Zante pour mourir sur la terre où il était né. « Dieu seul, écrivait-il à son parent Bulzo, sait comme je vis depuis janvier (1827) ; si vers la fin de juillet, je ne m’étais pas décidé à vendre mes meilleurs livres, un jour, en m’élevant un buste, vous auriez pu dire dans l’inscription que votre illustre concitoyen était mort de faim. Au besoin, j’irai chez vous enseigner la grammaire et peut-être l’abécédaire, car j’aime mieux faire le métier de pédant en Grèce qu’en Angleterre. » L'apologie que nous avons citée devait figurer dans une édition de Dante : une seconde apologie devait être publiée en tête d’une édition de l’Iliade dédiée à la jeunesse grecque. Le dédain qu’il témoignait pour l’Italie livrée à l’Autriche, il le montre pour la Grèce livrée à l’Angleterre. Il se préparait, comme on se prépare au suicide, à rester spectateur impassible de l’insolence anglaise et de la servitude des siens. Dieu lui épargna cette dernière épreuve : il mourut à Londres, veillé à ses derniers momens par un frère du général Riego, sans pouvoir se dérober dans son désespoir à l’ardente admiration de quelques Italiens.


II. – LE CONCILIATEUR DE MILAN - LES HISTORIENS POLITIQUES DU ROYAUME DE NAPLES ET DU PIEMONT

L’opposition, sous l’empire, était représentée par des fonctionnaires mécontens ou de jeunes exaltés séduits, comme Foscolo, par les souvenirs de l’antiquité romaine. Les premiers réduisaient tous les problèmes politiques à des questions administratives : accablés par les progrès de l’impôt et par la dictature de Napoléon, ils n’avaient d’autre but que d’échapper aux tyrannies de la guerre pour conquérir toutes les libertés de la paix. Les seconds faisaient de la politique une affaire de poésie ; irrités contre le gouvernement, ils prêchaient la révolte sans trop savoir ce qu’ils voulaient. Sous la restauration autrichienne,