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à une toutes les calomnies lancées contre sa personne pour les jeter à la face de ses ennemis. Que de bassesses révélées ! que d’infamies traînées au grand jour ! quelle foule d’espions, de courtisans, de jaloux, tous conjurés contre le poète, tous incapables de le comprendre ! Ne l’a-t-on pas attaqué de tous côtés, dans tous les lieux, à toutes les heures ? N’a-t-on pas imprimé ses conversations ? Ne lui a-t-on pas attribué des épigrammes pour lui faire de nouveaux ennemis ? Les uns l’ont accusé de haute trahison parce qu’il attaquait des professeurs nommés par le roi, les autres l’ont dénoncé à Beauharnais ; les plus modérés le croyaient envieux. « Envieux de qui ! s’écrie Foscolo. J’ai été, je suis, et je serai toujours seul. Je sais que l’histoire italienne se réduit à la supputation des tributs que nous avons payés et aux noms des champs de bataille où les étrangers ont vaincu pour se partager nos dépouilles. Cependant, tant qu’on n’aura pas oublié ces vingt années de vicissitudes et d’agitations, mon nom restera seul, et mon serment ne sera pas répété par une autre bouche que la mienne ; une seule route montrera les traces de mes pas ; toutes mes paroles révéleront toujours la même pensée, indiqueront toujours le même but et diront qu’aucun soin de fortune ne m’a jamais empêché de combattre pour l’Italie. La nature, l’éducation, le hasard, avaient conspiré pour me séparer de vous ; peut-être me suis-je trompé, votre littérature m’exécrera, mais je resterai seul. » On lui reproche de ne pas attaquer l’Autriche. « A quoi bon, dit-il, s’acharner contre l’Autriche ? Elle a trouvé un royaume en ruine, des malheurs infinis, des espérances et des peurs également frénétiques, de tous côtés des intrigues et des récriminations, des patriciens et des prêtres avides de places, d’honneurs, et de vengeance, des provinces revenues à leurs anciennes animosités, une capitale qui avait toujours été, même au temps de Machiavel, la sentine de toutes les corruptions. » On veut persuader à Foscolo qu’il est calomnié par les émissaires de l’Autriche ; le poète ne le croit pas. Il rappelle que les émigrés de 1821 s’accusaient mutuellement de vol et d’espionnage, il rappelle une longue série de diffamations qu’on a amassées sur sa tête ; toutes partent de l’Italie, et il veut s’arracher pour toujours à l’Italie. « Je me suis désormais décidé, dit-il, à ne plus entendre la voix et à ne plus voir la face d’un Italien. J’aimerais la conversation de quelques-uns d’entre eux ; mais, ayant vu que tous me poursuivaient, et qu’il m’arrivait toujours le bruit de nouveaux scandales, depuis plus d’un an je me suis caché à tous. A vous la médisance, à moi le bonheur de ne plus vous entendre ! » - « L’image de Foscolo est empreinte,