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toujours se sauver, ne fût-ce que par la mort ; mais les nations ne peuvent pas s’enterrer, et l’Italie doit se reposer en ce moment, laissant à la France le malheur honteux d’avoir sacrifié tant de victimes à la liberté pour subir le joug mobile de cinq cents tyrans, ou d’un seul, le nombre importe peu. »

Foscolo attendait tristement l’avenir. A la consulte de Lyon, il répondait aux emportemens de Napoléon contre les patriotes cisalpins « Ils ne se sont pas défendus ! comment pouvaient-ils résister aux alliés ? Tu étais venu, dit Foscolo, pour apporter les lois du directoire, qui perdaient la France et la livraient à l’étranger ; tu confiais ces lois à des assemblées d’ignorans et de factieux ; les traités d’alliance imposés par la France nous asservissaient, les proconsuls français venaient bouleverser l’état, les ordres et les menées du directoire nous désarmaient pour assurer notre dépendance. Comment la république pouvait-elle lutter ? Quels étaient nos chefs ? De vieux serfs, de jeunes tyrans, des hommes qui n’étaient ni politiques ni guerriers. Ils avaient l’autorité royale sans le courage et sans le génie. Sans cesse occupés à retenir un pouvoir qui leur échappait, ils ne songeaient qu’à étouffer les plaintes par les largesses et à lutter contre la fortune par la corruption, contre les proconsuls par l’intrigue, contre les princes étrangers par la trahison. » Le poète continue sa philippique, tonnant contre la démagogie cisalpine, cette chiourme républicaine qui créait des famines factices par le monopole, contre ces patriotes qui imposaient l’irréligion aux peuples de par la loi. Il frappe le parti français, pour que le coup arrive jusqu’à Bonaparte. « C’est au temps, ajoute-t-il, de saper les religions, et à l’inconstance humaine de les faire oublier. Méconnaissant la vérité de cet axiome, les patriotes, tantôt délateurs, tantôt sbires, toujours démagogues, parés d’insignes ridicules, déchaînaient leurs discours séditieux contre les prêtres, les patriciens et une plèbe insouciante et désarmée. Ces missionnaires de révolution cherchaient des victimes et non pas des prosélytes ; ils criaient mort et sang, entraînaient un gouvernement ignorant et indécis, et combattaient avec les armes de la calomnie, déchirant toutes les réputations ; la vertu était donc inutile, et les vieux traîtres, enveloppés dans les accusations universelles, restaient impunis. Qu’arriva-t-il ? le parti contraire, terrible par ses haines, par ses richesses, par son ancienne autorité et par sa folie religieuse, afflige, au premier changement, le pays de proscriptions, d’exils et de massacres. » Foscolo avoue cependant que la république cisalpine doit à Bonaparte sa résurrection et ses lois ; il reconnaît