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ces trois partis dans la littérature avec les mille nuances dont il faut toujours tenir compte quand on touche aux questions italiennes.

Les premiers écrits que l’on rencontre se rattachent à l’opposition libérale contre le gouvernement de Beauharnais et à la chute du royaume d’Italie. Deux historiens, MM. Coraccini et Guicciardi, représentent cette opposition telle qu’on la vit éclater en 1814 dans la haute Italie. M. Coraccini a donné l’Histoire de l’administration du royaume d’Italie pendant la domination française[1], livre rempli d’anecdotes, de petites médisances et de renseignemens de police sur les fonctionnaires de ce royaume. Très hostile à Napoléon avec une grande affectation d’impartialité, il lance contre les meilleures réformes des critiques mesquines, et n’a pas même le courage d’être franchement royaliste. Son opposition se réduit à témoigner aux alliés de timides sympathies sous lesquelles perce çà et là une étrange indifférence. En parlant de la guerre de 1809, « nous étions bien résolus, dit-il, à rester spectateurs du combat, laissant à la fortune le soin de décider sous quel joug nous devions passer. » Au moment de la chute du royaume, en 1814, Coraccini regarde l’émeute de Milan, l’assassinat du ministre des finances comme des faits très ordinaires : sans blâmer, sans louer, il accepte tranquillement le résultat de la révolte austro-libérale, le partage du royaume et la conquête de l’Autriche.

Le comte Guicciardi, patriote en 1797, ministre de la police du royaume d’Italie jusqu’en 1809, et depuis sénateur, se range dans un autre parti. Mécontent, mais non pas jusqu’à la révolte, il était attaché au royaume plus qu’à Napoléon, et il aurait voulu renverser le vice-roi comme délégué de l’empereur, quitte à l’accepter comme roi d’Italie de la main des alliés. Le sénat, en 1814, chargea le comte Guicciardi de signifier au prince Eugène que sa vice-royauté expirait avec l’abdication : les sénateurs, par cet acte, ne tendaient qu’à se détacher de la France pour légaliser l’indépendance du royaume sans se montrer trop hostiles à Beauharnais. Malheureusement, au moment où Guicciardi se faisait ainsi l’interprète des vœux du sénat, l’émeute austro-libérale renversait à la fois les sénateurs, le royaume et le vice-roi. Guicciardi raconte dans un curieux opuscule la chute du royaume d’Italie[2]. Il dresse, comme un juge d’instruction, le procès

  1. Histoire de l’administration du royaume d’Italie, par M. Frédéric Coraccini ; Paris, chez Audin, 1823. L’ouvrage est écrit en français.
  2. Relation historique de la révolution du royaume d’Italie en 1814, attribuée à Guicciardi ; Paris, 1822.