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ces hardiesses de tribune qui n’appartiennent qu’à M. le ministre des affaires étrangères. M. Molé seul dans l’opposition ! Et que font donc les conservateurs dissidens ? M. Guizot n’a-t-il jamais entendu parler de M. de Montalivet, de M. Dupin, de M. Saint Marc Girardin, de M. de Carné, et de vingt autres honorables membres dont le dissentiment est devenu public ? M. Guizot compte pour rien M. Dupin. Sans doute, il a oublié les rudes attaques de l’honorable député dans la discussion de l’adresse, comme il a oublié de les réfuter. Si M. Molé est seul dans l’opposition, pourquoi donc l’opposition réunit-elle 205 voix ? La gauche sera bien reconnaissante envers M. Guizot de l’hommage qu’il rend à sa puissance. La France et l’Europe seront bien rassurées, en apprenant qu’il suffit du déplacement d’une dizaine de voix dans la chambre pour constituer le parti conservateur en minorité. Si c’est là le fruit de la politique du 29 octobre, on a de singuliers remerciemens à lui faire. M. Molé seul dans l’opposition ! ce trait, il faut le dire, n’a pas été seulement dirigé contre M. Molé ; il était destiné du même coup à frapper M. de Montalivet. Tout le monde sait, tout le monde approuve l’honorable scrupule qui retient M. de Montalivet sur son banc à la chambre des pairs. Chacun sert son pays à sa manière et selon les devoirs de sa situation. Si M. de Montalivet garde une neutralité apparente, personne n’ignore ses sympathies politiques, et l’on sait qu’il est homme à les défendre partout, à ne les renier nulle part. Personne assurément n’a pris le silence de M. de Montalivet pour une adhésion au ministère. M. Guizot, moins que personne, aurait pu se faire illusion sur ce point. Combien de fois n’a-t-il pas offert à M. de Montalivet l’entrée du cabinet, et que de refus n’a-t-il pas essuyés ! Il faut croire que ces refus auront laissé dans l’ame de M. Guizot un secret dépit qui n’attendait qu’une circonstance pour se satisfaire. M. Guizot s’est vengé de M. de Montalivet en le déclarant ministériel. Il ne pouvait choisir, en effet, une vengeance plus ingénieuse et plus piquante ; mais le coup n’a point porté. Non, M. Guizot ne parviendra pas à faire supposer que M. de Montalivet s’incline devant la politique du 29 octobre. M. de Montalivet réserve son enthousiasme pour une meilleure occasion. Non, M. Molé n’est pas entré seul dans l’opposition. Quant à savoir si le parti conservateur suivrait M. Molé au ministère, nous sommes toujours surpris que ce soit M. Guizot qui soulève cette question. Le parti conservateur, il y a quatre ans, a rendu son appui à M. Guizot. Pourquoi repousserait-il M. Volé, qui n’a jamais abandonné ses rangs, et qui lui donne aujourd’hui une nouvelle preuve de sa fidélité et de son dévouement ?

M. Duchâtel a prononcé un discours habile. M. le ministre de l’intérieur a toujours l’art de se placer sur un terrain qui offre peu de prise. D’ailleurs, il a une situation privilégiée dans le ministère. Sa responsabilité directe y est faiblement engagée ; le poids des fautes de la politique extérieure ne retombe pas sur lui ; les questions de finances, devenues si embarrassantes pour le cabinet, ne le concernent pas ; la question religieuse lui est étrangère.