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environ vingt-neuf ans à la date de cette publication ; elle vécut jusqu’en 1566, et mourut à l’âge où les cœurs passionnés n’ont plus rien à faire en cette vie, ayant vu se coucher à l’horizon les derniers soleils de la jeunesse. Son testament, qu’on a imprimé, témoigne de son humilité à la veille du jour suprême, et de son attention bienfaisante pour tout ce qui lui était attaché.

Le silence que Louise a gardé dans les dix dernières années de sa vie, et le soin qu’elle prit, dans sa publication de 1555, de marquer à plusieurs reprises que ces petits écrits ont été composés depuis long-temps et que ce sont œuvres de jeunesse, pourraient faire conjecturer qu’elle entra à un certain moment dans un genre de vie un peu moins ouvert à la publicité. Elle dut pourtant continuer de jouir plus que jamais du contre-coup de sa renommée ; tout ce que Lyon avait de considérable, tout ce qui y passait d’étrangers de distinction allant en Italie, devait désirer de la connaître, et sa cour sans doute ne diminua pas. Quoi qu’il en soit, ce silence des dernières années, qui ne laisse arriver d’elle à nous, dans toute cette existence poétique, qu’un accent de passion émue et un cri d’amante, sied bien à la muse d’une femme, et l’imagination peut rêver le reste.

Ce ne fut que vingt ans environ après sa mort qu’Antoine Du Verdier enregistra à son sujet, en les ramassant crûment, certaines rumeurs courantes, et donna signal à la longue injustice. Il eut beau faire, lui et ceux qui le copièrent : malgré l’injure des doctes qui voulurent transformer sa vie en une sorte de fabliau grivois, la belle Cordière resta populaire dans le public lyonnais ; la bonne tradition triompha, et quelque chose d’un intérêt vague et touchant continua de s’attacher à son souvenir, à sa rue, à sa maison, comme à Paris on l’a vu pour Héloïse. C’est qu’aussi Louise Labé, telle qu’on la rêve de loin et telle que nous l’avons devinée d’après ses aveux, demeure, par plus d’un aspect, le type poétique et brillant de la race des femmes lyonnaises, éprises qu’elles sont de certaines fêtes naturelles de la vie, se visitant volontiers entre elles avec des bouquets à la main, et goûtant d’instinct les vives élégances, les fleurs et les parfums. Que si l’on nous pressait trop sur cette théorie des Lyonnaises que nous ne croyons que vraie, il serait possible de citer à l’appui, aujourd’hui encore,

    rien. La belle Cordière eut des ennemis et des brocardeurs jusqu’au sein de son triomphe ; qui peut en douter ? Qui nous dit même que l’ode légère d’Olivier de Magny (1559) n’est pas du fait d’un ami brouillé qui gardait quelque rancune au mari ? Cela en a presque l’air.