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quelques traits durables, elle ne les puisa que dans sa propre passion et en elle-même.

Sa vie est restée très peu éclaircie, malgré la célébrité dont elle jouit de son vivant, malgré les mille témoignages poétiques qui l’entourèrent et dont on a conservé le recueil comme une guirlande. Cette célébrité même et le caractère passionné de ses poésies furent cause qu’après sa mort il se forma insensiblement sur elle une légende qui, accueillie et propagée sans beaucoup d’examen par des critiques d’ordinaire plus circonspects, par Antoine Du Verdier et Bayle, recouvrit bientôt le vrai et finit par rendre l’intéressante figure tout-à-fait méconnaissable. Les consciencieux éditeurs de 1824, sont heureusement venus remettre en lumière quelques points authentiques, et ils se sont appliqués surtout (tâche assez difficile et méritoire) à restituer à Louise Labé son honneur comme femme, en même temps qu’à lui maintenir sa gloire comme poète. Ouvrez, en effet, la Bibliothèque françoise de Du Verdier et le Dictionnaire de Bayle, vous y voyez Louise Labé désignée tout crûment par la qualification de courtisane lyonnoise. Bayle, qui n’a pour autorité que Du Verdier, se donne le plaisir de broder là-dessus et d’accorder à sa plume, en cet endroit, tout le libertinage qui fait comme le grain de poivre de son érudition. La Monnoye, dans ses notes sur La Croix du Maine, en a usé à son exemple ; il cite sur Louise Labé un petit distique et un quatrain qu’on ne trouve point, dit-il, dans la guirlande de vers à sa louange ; je le crois bien, car ces petits vers salaces ont tout l’air d’être de la façon du malin commentateur lui-même. Nous pourrions faire comme lui et nous égayer sans peine aux dépens de la belle Louise ; nous croyons même savoir une petite épigramme qui ne se trouve pas non plus dans le recueil des vers imprimés en son honneur, et que La Monnoye, qui donnait dans l’inédit, a, je ne sais pourquoi, négligée. La voici :

N’admirez tant que la belle Cordière
D’Amour en elle ait conçu tout le feu :
Son bon mari qui n’entendoit le jeu
Chez lui tenoit fabrique journalière,
Grand magazin de câbles et d’agrès,
Croyant le tout étranger à la Dame ;
Mais Amour vint, la malice dans l’ame,
Choisit la corde et n’y mit que les traits.

Que si l’on examine de plus près les témoignages des contemporains de Louise Labé, les indications et inductions qui ressortent de