s’y trouvent mêlées, afin que le mérite même du livre et la juste autorité de l’auteur ne servent pas une autre cause que celle du vrai.
Cette discussion sera plus claire et aboutira plus aisément à un résultat précis, si, dès le début, nous faisons nettement connaître nos conclusions sur la doctrine générale de M. l’archevêque de Paris. Nous tombons d’accord avec lui sur deux points essentiels ; le premier, c’est l’absolue insuffisance de la religion naturelle, dont la cause, du reste, est parfaitement distincte à nos yeux de celle de la philosophie. Nous lui accordons en outre que le christianisme a été nécessaire, et l’est encore, pour conserver et répandre parmi les hommes les vérités essentielles de l’ordre moral et religieux ; mais nous croyons qu’il se trompe essentiellement quand il refuse à la philosophie le droit d’exercer le ministère spirituel au même titre que le christianisme : voilà le point précis de notre dissentiment. Au surplus, comme nous n’entendons pas le christianisme ni la religion naturelle de la même manière que M. l’archevêque de Paris, c’est pour nous une double nécessité d’expliquer notre adhésion sur les deux premiers points et de justifier notre dissentiment sur le troisième. Commençons par nous entendre, s’il est possible, sur la religion naturelle et son rapport avec les religions positives, notamment avec le christianisme.
Le mot célèbre de Diderot : Toutes les religions du monde ne sont que des sectes de la religion naturelle, caractérise à merveille l’opinion qui dominait au xviiie siècle sur la nature et la valeur des institutions religieuses. À en croire les philosophes de cette époque, les religions n’ont pas été un instrument nécessaire et fécond, mais un obstacle pour la civilisation ; elles ont corrompu la religion naturelle au lieu de la perfectionner, n’y ajoutant guère qu’un amas de superstitions et d’erreurs, ouvrage de la crédulité des faibles et de la politique des puissans. L’histoire des religions nous offre le triste spectacle des égaremens de l’humanité, toujours crédule et toujours trompée ; car au fond, les religions n’ont point d’assiette solide dans la nature de l’homme : ce sont des institutions tout artificielles, sans racine profonde et sans rapport intime avec la destinée morale et religieuse du genre humain. Toutes les religions sont également fausses, sinon également malfaisantes. Moïse et Orphée, Zoroastre et Confucius, Mahomet et Jésus-Christ, sont des imposteurs ou des fous.