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constituer en un mot une religion naturelle, soutient que cette religion est complètement insuffisante. La raison livrée à elle-même laisserait s’obscurcir et se perdre les vérités morales et religieuses ; il lui faut un secours étranger, surnaturel, le secours de la révélation. M. l’archevêque appelle ici à son aide l’expérience de l’histoire ; il soutient que dans l’antiquité, la philosophie, égarée par l’orgueil des faux systèmes, n’a pas su maintenir dans leur intégrité les grandes vérités nécessaires à la vie du genre humain. Dans les temps modernes, éclate à ses yeux avec la même force la profonde insuffisance de la raison ; loin d’épurer et de consolider les grandes et saintes idées du juste et du divin, elle semble s’attacher à les dissoudre et à les effacer du cœur des hommes. Chaque système est un coup mortel porté à une grande vérité religieuse ; l’ensemble des systèmes, c’est la ruine et le chaos de toutes ces vérités.

Après ce sombre tableau des destinées et des agitations stériles de la pensée philosophique, M. l’archevêque de Paris nous montre l’influence du christianisme sur la civilisation du genre humain. Tandis que la philosophie détruit, le christianisme organise. Ce que la philosophie sépare, parce qu’elle ne le peut embrasser, le christianisme l’unit par la foi. Cette influence bienfaisante n’est pas seulement prouvée par l’expérience, elle résulte de la nature même des dogmes chrétiens et de cette philosophie profonde mille fois supérieure à tous les systèmes, qui se cache sous la profondeur des symboles et que l’église conserve comme un inviolable dépôt contre tous les déréglemens de l’hérésie, du schisme et de l’erreur. Voilà le tissu très simple et très fort du livre de M. l’archevêque de Paris.

On ne saurait nier qu’il ne l’ait conçu avec force, suivi avec vigueur, traité avec une grande puissance de raison, de gravité et de sens. Les philosophes remarqueront le chapitre consacré à montrer l’action conservatrice exercée par les mystères du christianisme sur les dogmes fondamentaux de la religion naturelle. Cette partie de l’ouvrage est touchée avec une véritable supériorité. Le docte écrivain, qui en d’autres parties, pour se proportionner sans doute aux jeunes esprits, était quelquefois descendu aux humbles développemens d’une dissertation de collége ou de séminaire, prend ici un vol plus haut et se soutient sans jamais chanceler au faîte des spéculations de la théologie.

Les autres parties de l’ouvrage, sans se maintenir au même niveau, renferment de grandes et solides vérités ; mais plus nous y attachons de prix, plus il est nécessaire de les dégager des graves erreurs qui