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puisse faire une Grèce. Je répète d’ailleurs ce que je disais au mois d’octobre dernier : peu importe qu’on ait appartenu jadis au parti anglais, au parti russe, au parti français, pourvu qu’on appartienne aujourd’hui au parti grec, à celui qui veut, réellement, sincèrement l’indépendance et la force de la Grèce. Non, certes, qu’au sein même de ce parti, il ne puisse, il ne doive exister des différences d’opinion, et même des rivalités personnelles. Dans un état libre, tout cela est inévitable, et c’est la vie même des gouvernemens représentatifs. Qu’il y ait donc en Grèce, comme ailleurs, une majorité qui gouverne, une ou plusieurs minorités qui lui disputent le pouvoir, rien de plus légitime, rien de plus nécessaire ; mais que la majorité comme la minorité renoncent à la funeste habitude d’invoquer un patronage étranger, et de chercher leur force ailleurs que dans le pays lui-même. Une fois que les luttes seront ainsi tout intérieures et nationales, la France n’aura point à s’en mêler. Elle manquerait à la Grèce ; elle se manquerait à elle-même si, en présence des menées qui tendent sans cesse à faire de la Grèce une colonie anglaise ou une province russe, elle restait oisive et indifférente.

Lutter énergiquement, constamment contre les influences qui cherchent à asservir la Grèce ou à l’énerver, appuyer quiconque travaille efficacement à organiser, à fortifier, à enrichir le pays, combattre tout esprit exclusif comme tout esprit de rancune, et appeler sur le terrain national les bons patriotes, les hommes honorables de tous les partis ; donner enfin au parti national, ainsi constitué, des conseils de prudence, de justice, de modération, voilà, ce me semble, quel doit être à Athènes le rôle de la France. La France d’ailleurs n’a point à se préoccuper des petites susceptibilités que des agens russes ou anglais essaient quelquefois de soulever contre elle. Un jour ou l’autre, la question des frontières se posera dans les conseils de l’Europe, et il faudra que chacun ait son avis. L’équivoque alors ne sera plus possible, et la Grèce verra clairement où sont ses véritables amis. En attendant, je le répète, la France doit par tous les moyens s’efforcer d’en finir avec les anciennes dénominations et les vieilles querelles. Ce sont, bien que l’esprit de parti ait affecté de le méconnaître, les sentimens que j’ai apportés, ceux que j’apporterai toujours dans mes observations, dans mes jugemens sur les affaires grecques. Je demande seulement qu’à Athènes on veuille bien ne rendre personne responsable de ce que j’écris à Paris, surtout ceux, comme M. le président du conseil, de qui je n’ai pas reçu une ligne depuis mon retour en France, ou ceux, comme M. le ministre de France, qui voudraient