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Le soir du cinquième jour, les prêtres, emportant les ornemens de leurs dieux, s’en allaient en procession jusqu’à une montagne éloignée de deux lieues, menant avec eux la plus noble victime qu’ils pussent trouver parmi les captifs. Sur le sommet de la montagne on attendait en silence l’heure de minuit ; la constellation des pléiades, qui jouait un rôle dans leur cosmogonie, s’approchait alors du zénith ; c’est à cet instant que la victime était sacrifiée. On enflammait par frottement des bois placés sur sa poitrine béante, c’était le feu nouveau dont aussitôt on communiquait la flamme à un bûcher funèbre sur lequel la victime était consumée. Dès que le bûcher embrasé flamboyait au loin, des cris de joie et de triomphe s’élevaient vers le ciel des collines du voisinage, des sommets des temples, des terrasses des maisons, où toute la nation réunie, debout, les regards tournés dans la direction de la montagne, attendait avec anxiété l’apparition de ce signal de salut. Du bûcher sacré, des courriers partaient de toute leur vitesse, tenant des torches ardentes pour distribuer le feu nouveau qui sur leurs pas aussitôt éclatait de toutes parts aux sommets des autels. Peu d’heures après, le soleil se levant sur l’horizon annonçait aux hommes que les dieux prenaient en pitié la création, et que, pour la durée d’un cycle encore, le genre humain était à l’abri de la destruction ; mais, pour se racheter pendant le cycle d’après, il fallait que les peuples, durant les cinquante-deux ans qui leur étaient accordés, demeurassent fidèles à la loi venue des dieux. Les jours intercalaires qui suivaient, au nombre de douze ou treize, étaient consacrés à des fêtes. On réparait les maisons, on remontait les ménages en ustensiles, on faisait de nouveaux vêtemens, et on rendait graces au ciel.

La fête du dieu Tezcatlipoca était d’un différent caractère. La mythologie aztèque le figurait sous les traits d’un homme à l’éternelle jeunesse, d’une beauté accomplie. Une année d’avance, on choisissait parmi les captifs celui qui était le plus beau, en prenant garde qu’il n’eût aucune tache sur le corps. De ce jour, le dieu était personnifié en lui, et des prêtres attachés à sa personne s’appliquaient à le façonner, afin qu’il eût une tenue pleine de dignité et de grace. On l’habillait avec élégance et splendeur. Il vivait au milieu des fleurs, et les parfums les plus exquis brûlaient à son approche. Lorsqu’il sortait, il avait à son service des pages ornés avec une royale magnificence. Il allait et venait en toute liberté, s’arrêtant dans les rues ou sur les places publiques pour jouer, d’un instrument qu’il portait, quelque mélodie qui lui plaisait, et alors la foule se prosternait devant