« O mon fils très cher, créé par la volonté de Dieu[1], sous les yeux de tes père et mère et de tes parens, comme un poussin qui sort de sa coquille, s’essaie à voler, tu t’essaies à la peine. Nous ignorons jusqu’à quand Dieu nous permettra de jouir de toi ; supplie-le, mon fils, de te protéger, car il t’a créé ; c’est ton père, il t’aime mieux que moi. Adresse-lui tes soupirs nuit et jour, qu’il soit l’objet de tes pensées, sers-le avec amour, il te sera miséricordieux et te délivrera de tout danger. Respecte l’image de Dieu et tout ce qui a rapport à lui. Prie-le dévotement, observe les fêtes religieuses ; celui qui offense Dieu mourra misérable, et ce sera sa faute.
« Honore et salue les vieillards, console les pauvres et les affligés par tes discours et par tes bonnes œuvres.
« Révère, aime, sers tes père et mère, obéis-leur, car le fils qui ne se conduit pas ainsi s’en repentira.
« Aime et honore tout le monde, et tu vivras en paix.
« N’imite pas les insensés qui ne respectent ni père, ni mère, et qui, semblables aux animaux, n’écoutent les conseils de personne.
« Fais bien attention, mon fils, de ne pas te moquer des vieillards, des malades, des estropiés, ni des pécheurs. Ne sois pas superbe à leur égard, ne les hais pas, mais humilie-toi devant le Seigneur, et crains d’être aussi malheureux qu’eux.
« N’empoisonne personne, car tu offenserais Dieu dans sa créature, ton crime se découvrirait, tu en porterais la peine, et tu mourrais de la même mort.
« Sois probe, poli, et ne cause de la peine à personne.
« Ne te mêle pas des affaires où tu n’es pas appelé, dans la crainte de déplaire et de passer pour un indiscret.
Ne blesse personne, évite l’adultère et la luxure : c’est un vilain vice qui cause la perte de celui qui s’y livre, et qui offense Dieu.
« Ne donne pas de mauvais exemples.
« Sois modeste en tes discours ; n’interromps pas les personnes qui parlent, ne les trouble pas ; si elles s’expriment mal, si elles se trompent, contente-toi de ne pas les imiter. Garde le silence quand ce n’est pas à toi de parler, et si l’on t’interroge, réponds ouvertement, sans passion et sans mensonge. Ménage les intérêts des autres, et l’on fera cas de tes discours. Si tu évites, ô mon fils, de rapporter des contes, de répéter des plaisanteries, tu éviteras
- ↑ Les mots de Dieu, de Seigneur, ont été substitués par les religieux, qui recueillirent ces poésies après la conquête, à ceux de diverses divinités de l’olympe aztèque : de même celui de démon remplace l’indication de quelque mauvais génie de la mythologie mexicaine ; mais c’est le seul changement que ces religieux firent à ces pièces. Ils l’ont dit expressément, et ils contrôlaient l’une par l’autre plusieurs traductions faites par des vieillards lettrés de différentes villes.