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se réservaient par une délicatesse qui serait bonne encore à enseigner sur la surface de l’Europe occidentale, et que, parmi les peuples civilisés, les Anglais seuls savent fidèlement et scrupuleusement observer. Au Mexique, en cela les choses n’étaient certes pas au même point que dans l’Angleterre moderne ; mais l’intention subsistait. Il est peu de signes auxquels on puisse aussi sûrement reconnaître l’avancement de la civilisation. Chez les sauvages, la femme est une bête de somme ; il n’est au monde condition pire que celle des squaws des tribus de l’Amérique du Nord, sur toute l’étendue des États-Unis. Combien de fois dans nos Pyrénées, voyant des femmes gravir les pentes les plus rapides avec une charge de fumier sur les épaules, ou descendre des plateaux les plus élevés sous un faix de foin ou de gerbes de blé, je me suis pris à souhaiter qu’il n’y eût pas par-là à ce moment quelqu’un des Anglais qui pendant l’été viennent chercher le soleil dans ces vallées charmantes et y apportent en échange leurs guinées. Un gage certain de la position faite aux femmes par la civilisation mexicaine, c’est qu’elles participaient aux fonctions sacerdotales. Il y avait des prêtresses mexicaines aussi bien que des prêtres, et une sorte de parallélisme entre les attributions des prêtres et celles des prêtresses ; mais le sacrifice, et on verra tout-à-l’heure en quoi il consistait, était réservé aux prêtres et même aux seuls dignitaires du clergé. La pureté des prêtresses mexicaines a été certifiée par les missionnaires espagnols, qui cependant n’ont pas assez d’anathèmes pour la religion des Aztèques, où ils voient à tout instant les ruses du malin esprit et l’empreinte du pied fourchu.

On acquiert la connaissance personnelle, intime, d’une civilisation en examinant les règles de conduite et de convenance, les formes de la décence et de la civilité, ce qui enfin dirige chacun dans les actes habituels de la vie. Or, on a le moyen d’apprécier de ce côté la société mexicaine. Les instructions minutieuses d’un père à son fils, d’une mère à sa fille, dans chacune des classes, ont été conservées heureusement, et Zurita les a reproduites[1]. Je citerai ici tout au long les avis des parens de la classe moyenne, ou, pour employer les expressions de Zurita lui-même, des habitans des villes, des marchands et des artisans. C’est à la fois un recueil de préceptes moraux et un code abrégé de ce qu’on peut appeler la civilité puérile et honnête.

  1. Pages 132 et suivantes du Mémoire de Zurita, dans la collection Ternaux. C’est le texte même de M. Ternaux que nous reproduisons. M. Prescott s’est borné à citer les avis de l’une des mères, celle de la classe moyenne.