sur l’archéologie, la philologie ou la géographie ; il faut se contenter des caprices et des reflets qu’il fait ondoyer devant nous. Le soleil le cuit, le sable l’aveugle, et tout est pour le mieux, selon lui, dans le meilleur des mondes. Son rôle d’humoriste et d’Anglais dandy ou exclusive ne l’abandonne pas, et sa rencontre avec l’un de ses compatriotes au milieu du désert en est une preuve curieuse.
Cet autre Anglais, venu à peu près en droite ligne de Calcutta en Palestine, traversait les mêmes plaines de sable pour se rendre à Jérusalem ; vers le milieu de la solitude, les voyageurs se rencontrent, montés sur leurs chameaux respectifs. Allemands, Français, Italiens, se fussent dirigés l’un vers l’autre, empressés de lier connaissance et de parler de leurs aventures ; le souvenir de la patrie, la communauté du langage, ce long espace de temps passé parmi les tribus sauvages ou les nations étrangères, tout les eût portés à fraterniser dans le désert. Ceux-ci, Anglais et gens de la fashion, se regardent, se toisent, s’examinent et passent leur chemin. Dans le désert même, ils ne pensent qu’à sauver les intérêts de leur petit orgueil, à se couper, comme on dit là-bas, ou, comme on dit en France, « à se brûler la politesse. » « Je pensais bien à lui parler, s’il m’accostait ; mais que lui aurais-je dit après tout ? Je trouvais ridicule de lier conversation sur le sable d’Arabie, comme si l’on était dans Picadilly en visite du matin. Je me trouvais dans mes humeurs indolentes. Je continuai donc ma route, grimpé sur mon chameau, sans aucun signe de reconnaissance envers mon co-voyageur, si ce n’est un léger salut qu’il me rendit, — comme quand on se rencontre dans le parc. » L’autre salua aussi et passa : mais les domestiques, moins bien élevés que leurs maîtres et séduits par le plaisir d’une petite causerie dans le désert, laissèrent les gentilshommes tout seuls et en avant. Il se trouva que les deux chameaux des deux maîtres, ne se voyant pas suivis, s’arrêtèrent. Ces animaux, plus sociables que ceux qu’ils portaient, forcèrent les voyageurs isolés à revenir sur leurs pas. L’Anglais qui venait de l’Inde prit la parole, et dit à son compatriote : « Vous êtes curieux sans doute de savoir comment la peste se comporte au Caire ? » La glace ainsi brisée par une ingénieuse entrée en matière, la conversation prit son essor à la satisfaction de tous les deux.
En Égypte, où il arrive, Eothen trouve la peste, les pyramides et les célèbres sorciers du Caire. Les derniers lui font grand plaisir, et il est tenté d’embrasser leur vénérable barbe ; quant à la peste, il soutient encore que c’est une fiction pure, bien qu’il voie mourir successivement son banquier, son médecin, son chirurgien et tous ses domestiques,