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qu’ils n’en méritent. Par l’effet de la loi nouvelle, les municipalités n’ont aucune attribution politique ; elles sont seulement chargées de l’administration des intérêts locaux avec le maire choisi par le gouvernement, entre les conseillers élus. Le malheur du parti progressiste, c’est qu’il a été vu au pouvoir à différentes époques, et que jamais le pays n’a été dans un plus grand péril ; jamais ce parti n’a pu donner à l’Espagne la paix dont elle a besoin pour s’occuper de ses intérêts les plus essentiels, de la pratique efficace des institutions modernes. Ainsi, ce n’est point l’attaque, fût-elle concertée, des opinions extrêmes que le ministère espagnol a maintenant à redouter. C’est dans son parti même qu’il trouvera les juges, sinon les plus sévères, du moins les plus réellement dangereux en raison de leur dévouement notoire aux idées de modération. On se souvient que dès la session dernière quelques membres conservateurs du congrès avaient déclaré ne pouvoir donner leur assentiment à certaines mesures du cabinet qui leur semblaient porter un caractère de réaction. MM. Isturitz, Pacheco, étaient au nombre de ces députés. Le Tiempo, dans la presse, était l’organe de leur mécontentement et de leurs plaintes ; l'Heraldo s’est depuis associé à cette opposition modérée, appelée aujourd’hui à formuler ses griefs et ses vues d’une manière plus nette au sein des chambres. Le dissentiment sera marqué par la nomination même du président du congrès. M. Pacheco sera le candidat opposé à celui du gouvernement qui est, dit-on, M. Castro y Orozco. Ce qui va aggraver encore la position du ministère, c’est qu’un assez grand nombre de députés récemment promus à des fonctions publiques, et sujets à la réélection ne pourront évidemment l’appuyer dès l’abord de leurs votes, leurs pouvoirs n’étant pas validés. Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, de cette première épreuve, les débats, qui s’ouvriront immédiatement sur le fond même des choses, pourront seuls lui donner un caractère décisif.

Le cabinet espagnol espérait, en ouvrant les cortès, pouvoir leur présenter un concordat signé avec Rome, qui eût réglé définitivement les affaires du clergé. De fâcheuses nouvelles viennent démentir ces prévisions. M. Castillo y Ayensa est toujours à Rome, mais rien ne se conclut, rien même ne se peut conclure, si le pape ne souscrit pas purement et simplement aux conditions du gouvernement espagnol. Par un mouvement de loyauté, celui-ci est allé, dès le principe, au-devant de toutes les exigences du saint-siège, et on sait quelle réponse lui fut faite ; tandis que le cabinet de Madrid, au risque de froisser ses partisans eux-mêmes, restituait au clergé les biens non vendus, le saint-siège refusait la reconnaissance de la reine Isabelle, et éludait les garanties réclamées pour les possesseurs actuels de la portion des biens ecclésiastiques déjà aliénés. Il y a peu de sagesse, on peut le dire, dans le refus du saint-siège d’adhérer à des concessions selon nous fort exagérées, mais qui s’expliquent par la nécessité de terminer les affaires religieuses, de rendre au clergé la position qui lui est due, au culte son éclat légitime. Le ministère espagnol, en effet, a sacrifié des intérêts graves à son désir de