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le meilleur encouragement pour la culture. Il est impossible qu’une industrie s’anime et se perfectionne au milieu de ces vicissitudes si fréquentes de hausse et de baisse, de ces continuels soubresauts auxquels l’agriculture est souvent en proie. Lorsque la marchandise surabonde et que les prix s’avilissent, le cultivateur, chargé d’une masse de produits dont il ne trouve pas la vente, et pauvre de l’abondance même dont il est entouré, se décourage et perd à la fois l’envie et le moyen de perfectionner son travail. Dans les temps de disette, au contraire, l’excessif renchérissement des prix lui tient lieu de tout, et il n’a plus besoin de s’être étudié à bien faire pour réaliser d’énormes bénéfices. Jouet d’évènemens contraires que toute sa prudence ne saurait maîtriser, il s’abandonne en quelque sorte à ces chances incertaines, et attend d’une disette, c’est-à-dire d’une calamité publique, ce qu’il n’est jamais sûr d’obtenir de son travail. Quel avantage n’est-ce donc pas pour lui, quel puissant mobile pour le progrès de la culture, que cette égalité de prix ou cette égalité d’abondance qui naît de la faculté d’exporter ! Voici ce que disait à ce sujet, en 1825, un homme que l’Angleterre honore avec raison pour le bien qu’il a fait, et plus encore peut-être pour le bien qu’il aurait pu faire, si des influences trop puissantes n’avaient enchaîné ses mains. « J’ai toujours pensé que ce que nous devions le plus désirer, c’était de maintenir la permanence des prix, et d’empêcher ces oscillations convulsives qui mettent le désordre dans la fortune des cultivateurs. Or, que fait la législation actuelle ? Elle limite, dans les mauvaises années, les marchés dont nous pouvons tirer les grains qui nous sont nécessaires, et dans les bonnes elle nous empêche de vendre nos produits surabondans. Il est impossible de ne pas être surpris qu’il y ait encore quelqu’un qui puisse faire l’éloge d’un système également préjudiciable au cultivateur, à l’artisan, au fermier lui-même, surtout après le rapport de 1821, qui en a si complètement démontré tous les vices. Certes, ce n’était pas en 1822 que l’on pouvait se féliciter des effets produits par ce système, lorsque les grains étaient tombés à 38 shillings, que tous les soirs on entendait parler, dans cette chambre, de la banqueroute nationale, et proposer les expédiens les plus extraordinaires. Dans l’espace de deux ans, le prix du grain a varié de 38 à 112 shillings le quarter. Il résulte de ces variations que l’industrie des fermiers ne présente plus aucune sûreté, que plusieurs des opérations auxquelles ils se livrent sont de purs jeux dont les résultats sont aussi incertains que peut l’être l’agiotage des actions des mines, et que, lorsqu’ils font