Je dirai plus : le jour n’est peut-être pas loin où ces concessions purement accidentelles se compléteront et se résoudront en un dogme clairement formulé. Un revirement imprévu s’opère, depuis les élections de 1843, dans la coterie des évêques, noyau primitif du parti clérical. Soit qu’à la vue des derniers succès du libéralisme ils commencent à mettre en doute l’efficacité du système électoral, soit qu’ils veuillent constituer sur une base sérieuse, sur une communauté d’intérêts réelle et durable, l’alliance contractée par eux avec l’aristocratie, soit enfin pour désarmer les jésuites, dont l’influence repose en grande partie sur la petite bourgeoisie et les paysans, trois évêques sur six en sont à demander déjà des restrictions politiques. Le Journal historique, organe de l’évêché de Liége, ne voit plus de préservatif contre le débordement des « mauvaises doctrines » que dans l’élection à plusieurs degrés, ou le système hollandais, pour parler clairement. Les feuilles épiscopales de Tournay et de Namur ont pris texte des élections de 1843 et de 1844 pour déclamer contre « le sale gouvernement populaire ; » et la dictature de « la canaille. » Nous voilà un peu loin des mandemens démagogiques et des barricades dévotes de 1830-31. Inconséquentes ou non, ces avances ne déplaisent point à l’aristocratie, qui représente encore en Belgique la grande propriété, et recueillerait ainsi tous les bénéfices de l’élection indirecte. Un parti essentiellement rétrograde cette fois, par ses moyens comme dans son but, peut naître d’un jour à l’autre ; et même se constituer fortement. Son apparition cimenterait indéfiniment l’union des libéraux. La fraction radicale songerait à défendre le terrain des libertés actuelles bien plus qu’à l’agrandir ; l’homogénéité du parti libéral serait alors garantie.
Je n’ai rien dit de certain parti mixte dont M. Nothomb s’est laissé attribuer la création, et à qui on prétend assigner le rôle de nos centres. Ce parti n’existe pas. Il n’y a jamais eu en Belgique qu’un juste milieu : c’est le groupe doctrinaire, qui, jusqu’en 1840, s’est tenu à égale distance des catholiques et des ultra-libéraux. Ce qui a pu accréditer l’idée d’un nouveau parti mixte, c’est la politique passive de M. Nothomb, qui, forcée de refléter en tout, même dans ses contradictions, la stratégie du parti catholique, a combattu tour à tour la coalition libérale par des principes doctrinaires et par des principes radicaux ; mais, loin de créer une nuance intermédiaire entre les deux partis, cette politique n’a servi, on l’a vu, qu’à effacer celle qui existait déjà. Attaquées séparément dans leur domaine, les deux fractions libérales se sont repliées vers la constitution de 1831. M. Nothomb a