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gable de l’Europe, la seule qui soit ouverte aux produits de l’Europe centrale vers l’Asie, la seule enfin qui, dans un cours de huit cents lieues, traverse des contrées si riches et si variées. Ces obstacles ont fait, pour ainsi dire, du Danube deux fleuves différens. La Hongrie, la Bosnie, la Serbie, ont dû le considérer comme une rivière sans embouchure ; la Valachie, la Bulgarie, la Moldavie, comme une voie interrompue qui ne les rattachait en aucune façon à l’Europe. Deux commerces indépendans l’un de l’autre s’établissent au-dessus et au-dessous des Portes-de-Fer. Avant de franchir cette limite, nous ajouterons quelques mots à ce que nous avons dit déjà de la navigation du bas Danube. Le courant du Danube est peu rapide, et sa lenteur augmente au fur et à mesure qu’il approche de ses embouchures. Descendu de 1000 mètres à 500, depuis sa source jusqu’au point où il devient navigable, étant encore élevé de 240 mètres à Vienne, de 140 à Bude, il n’a plus, selon les calculs assez récens des officiers russes, que 21 mètres quand il touche la Valachie à Orsova, n’ayant ainsi à descendre, dans la longue course qu’il lui reste à faire, qu’une élévation moindre que celle où se trouve la Seine à Paris. A Brahiloff, le fleuve n’a plus que 3 mètres 19 centimètres au-dessus du niveau de la mer Noire. De cette lenteur du courant résulte un inconvénient grave. Le sable, n’étant pas assez vivement entraîné, s’amoncelle, et le fond mouvant rend la navigation difficile. Les obstacles opposés par la nature ne sont pas ceux qui ont le plus entravé le mouvement commercial de cette grande voie : il en existait d’autres qui tendent à s’effacer, et qui provenaient de l’état social et politique des nations riveraines. La civilisation, qui a tour à tour parcouru les différentes contrées du globe, ne s’est encore jamais arrêtée, à aucune époque, sur les rives du Danube. Jusqu’au temps où nous sommes, les préjugés réciproques des Hongrois, des Allemands et des Turcs, les vexations des pachas, la situation particulière de l’Autriche vis-à-vis la Hongrie, ont été de plus grands obstacles que ceux de la nature. Dans les XIIIe et XIVe siècles, seules époques où il soit fait mention du Danube dans l’histoire du commerce européen, la navigation de ce fleuve se partageait en deux directions qui avaient leur point de rencontre à Galacz. Là s’opérait le transbordement des marchandises qui continuaient leur route vers l’Asie, ou qui, venant d’Asie, étaient dirigées vers l’Europe centrale. Ratisbonne à l’occident, au haut du fleuve, à l’orient Constantinople, et derrière Gènes et Venise, étaient les points d’où partaient ces expéditions. Ce fut par des combinaisons de même nature que l’Autriche, il y a peu d’années, chercha à re-