haut degré les progrès de la géologie moderne. Nous reconnaîtrons comment, d’après les grandes vues d’Élie de Beaumont, les chaînes de montagnes qui divisent les climats, les zones végétales et les races de peuples, nous révèlent leur âge relatif, et par la nature des bancs sédimentaires qu’elles ont soulevés, et par les directions qu’elles suivent au-dessus des longues crevasses sur lesquelles s’est fait le ridement de la surface du globe. Des rapports de gisement dans des formations de trachyte et de porphyre syénitique, de diorite et de serpentine, qui sont restés douteux dans les terrains aurifères de la Hongrie, dans l’Oural, riche en platine, et à la pente sud-ouest de l’Altaï sibérien, se trouvent éclaircis par des observations recueillies sur les plateaux de Mexico et d’Antioquia, dans les ravins insalubres du Choco. Les matériaux les plus importans sur lesquels, dans les temps modernes, la physique du monde a posé ses bases, n’ont pas été accumulés au hasard. On a reconnu enfin, et cette conviction donne un caractère particulier aux investigations de notre époque, que des courses lointaines ne peuvent être instructives qu’autant que le voyageur connaît l’état de la science dont il doit étendre le domaine, qu’autant que ses idées guident ses recherches et l’initient à l’étude de la nature.
C’est par cette tendance vers les conceptions générales, périlleuse seulement dans ses abus, qu’une partie considérable des connaissances physiques déjà acquises peut devenir la propriété commune de toutes les classes de la société ; mais cette propriété n’a de la valeur qu’autant que l’instruction répandue contraste, par l’importance des objets qu’elle traite et par la dignité de ses formes, avec ces compilations peu substantielles que, jusqu’à la fin du xviiie siècle, on a désignées sous le nom impropre de savoir populaire. J’aime à me persuader que les sciences exposées dans un langage qui s’élève à leur hauteur, grave et animé à la fois, doivent offrir à ceux qui, renfermés dans le cercle étroit des devoirs de la vie, rougissent d’être restés long-temps étrangers au commerce intime avec la nature, une des plus vives jouissances, celle d’enrichir l’esprit d’idées nouvelles. Ce commerce, par les émotions qu’il fait naître, réveille, pour ainsi dire, en nous des organes qui long-temps ont sommeillé. Nous parvenons à saisir d’un coup d’œil étendu ce qui, dans les découvertes physiques, agrandit la sphère de l’intelligence, et ce qui, par d’heureuses applications aux arts mécaniques et chimiques, accroît la richesse nationale.
Une connaissance plus exacte de la liaison des phénomènes nous délivre aussi d’une erreur trop répandue encore : c’est que, sous le rap-