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toure la capsule d’une mousse. Cependant, d’une part, les mesures multipliées des angles, de l’autre, les rapports du détail de l’organisation, préparent la voie à d’importans aperçus sur la physique générale.

Il faut distinguer la disposition de l’ame, l’état de l’esprit chez l’observateur, pendant qu’il observe, et l’agrandissement ultérieur des vues qui est le fruit de l’investigation et du travail de la pensée. Les physiciens mesurent avec une admirable sagacité les ondes lumineuses inégalement longues, qui se renforcent ou se détruisent par interférence, même dans leurs actions chimiques. L’astronome, armé de puissans télescopes, pénètre dans les espaces célestes, contemple, aux dernières limites de notre système solaire, les lunes d’Uranus, et décompose de faibles points étincelans en étoiles doubles inégalement colorées. Les botanistes retrouvent la constance du mouvement giratoire du chara dans la plupart des cellules végétales, et reconnaissent l’enchaînement intime des formes organiques par genres et par familles naturelles. Or, la voûte céleste, parsemée de nébuleuses et d’étoiles, et le riche tapis de végétaux qui couvre le sol dans le climat, des palmiers, ne peuvent manquer de laisser une impression plus imposante et plus digne de la majesté de la création à ces observateurs laborieux qu’à ceux dont l’ame n’est point habituée à saisir les grands rapports qui lient les phénomènes. Je ne puis par conséquent tomber d’accord avec Burke, lorsque, dans un de ses spirituels ouvrages, il prétend « que notre ignorance des choses de la nature est la cause principale de l’admiration qu’elles nous inspirent, que c’est elle qui produit le sentiment du sublime. »

Tandis que l’illusion des sens fixe les astres à la voûte des cieux, l’astronomie, par ses travaux hardis, agrandit indéfiniment l’espace. Si elle circonscrit la grande nébuleuse à laquelle appartient le système solaire, ce n’est que pour nous montrer au-delà, vers des régions qui fuient à mesure que les pouvoirs optiques augmentent, d’autres îlots de nébuleuses sporadiques. Le sentiment du sublime, en tant qu’il naît de la contemplation de la distance des astres, de leur grandeur, de l’étendue physique, se réfléchit dans le sentiment de l’infini, qui appartient à une autre sphère d’idées, au monde intellectuel. Ce que le premier offre de solennel et d’imposant, il le doit à la liaison que nous venons de signaler, à cette analogie de jouissances et d’émotions qui sont excitées en nous, soit au milieu des mers, soit dans l’océan aérien, lorsque des couches vaporeuses et à demi diaphanes nous en-