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de Patna, Mîr Kâssim se vit obligé de l’évacuer ; mais, avant de partir, il voulut se donner le plaisir de la vengeance. Les prisonniers, au nombre de cent quarante-neuf, furent passés par les armes, et ce fut le bataillon de Sombre qui se trouva chargé de cette terrible exécution. Le jeune Français, il faut le dire, fit les plus généreux efforts et brava même quelques dangers pour empêcher ce massacre ; ce fut à son instante prière qu’on épargna un seul prisonnier, un chirurgien qui, dans l’exercice de sa profession, avait capté les bonnes graces du nabab. La conduite que tint Sombre en cette circonstance n’empêcha pas la haine des Anglais de confondre éternellement, à propos du massacre de Patna, le nom de Sombre avec celui de Mîr Kâssim.

Après avoir quitté Patna, Mîr Kâssim et son jeune général se réfugièrent dans les états du vizir d’Oude, qu’ils trouvèrent campé avec l’empereur aux environs d’Allahabad. Les fugitifs furent reçus avec les plus grandes marques de distinction par le Mogol et son vizir : ce dernier fournit même à Mîr Kâssim les moyens de réorganiser une armée ; aussi, dès le 3 mai de l’année suivante (1764), le nabab reparut-il devant les Anglais en ordre de bataille. L’action, commencée par une vive canonnade, devint bientôt générale. Sombre, à la tête d’un corps d’infanterie d’élite et soutenu par une nombreuse cavalerie, attaqua les Anglais de front, tandis que le reste de l’armée essayait de les tourner pour les prendre en queue. Ceux-ci, commandés encore une fois par le major Carnac, déployèrent leur fermeté ordinaire, et les troupes de Mîr Kâssim furent repoussées ; mais le combat avait duré depuis le lever jusqu’au coucher du soleil, et les vainqueurs, épuisés de fatigue, ne purent poursuivre leur succès. Sombre, ayant rallié ses troupes, opéra sa retraite en bon ordre, et prit position en vue même des murs de Patna. Le vizir, peu satisfait de ce résultat, ayant ouvert des négociations avec les Anglais, Sombre et Mîr Kâssim coururent un moment de graves dangers, car les Anglais exigeaient comme préliminaires de tout arrangement que l’un et l’autre leur fussent livrés, et le vizir n’aurait pas été éloigné de souscrire à cette condition ; mais il voulait en retour la cession de tout le Bahar. Cette prétention ayant été repoussée, rien ne fut conclu, et le vizir repassa le Gange avec son armée.

Le 15 septembre de la même année, les mêmes ennemis se retrouvèrent en présence. Les Anglais étaient commandés cette fois par le major Munro. L’empereur, le vizir et Mîr Kâssim se trouvaient dans l’armée opposée ; Sombre, à la tête de son corps discipliné, en était véritablement l’ame et le chef. Vers neuf heures du matin commença