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leur décadence, et c’est pendant la durée du ministère Nothomb que va s’accomplir cette péripétie.


III.

Jusqu’ici, dans l’exercice des droits exorbitans qu’il tient de la constitution de 1831, le parti catholique a réussi bien moins par lui-même que par les divisions des libéraux et les complaisances calculées du roi. L’incertitude de ces garanties l’a maintenu dans un état de défiance qui justifie, à certains égards, sa politique. Dans ses empiétemens les plus violens, les plus manifestes, il n’a obéi peut-être qu’à un instinct exagéré de conservation. C’est à l’épreuve du pouvoir incontesté, paisible, tel que l’assure désormais en ses mains le double privilège de la prépondérance parlementaire et de l’irresponsabilité gouvernementale, qu’on va définitivement le juger. S’il use avec discrétion et dignité de sa force, confiant au cours naturel des choses le complément de ses succès, l’opinion lui sera d’autant plus indulgente qu’elle s’attend à un redoublement d’audace ; les deux fractions libérales, un moment réunies par, l’imminence d’un danger commun, exhumeront leurs vieux dissentimens ; l’opposition se détruira par ses propres mains ; l’utopie néo-catholique se trouvera réalisée. Si le parti catholique persiste, au contraire, dans un système de violences désormais inutiles, apportant dans la victoire l’ardeur inconsidérée de la lutte, restant parti quand il doit être pouvoir, il transformera en fusion sérieuse et durable la trêve accidentelle des libéraux modérés et des exaltés. La minorité vaincue grossira ses rangs d’une fraction nombreuse, jusqu’ici étrangère aux querelles de parti, mais dont la neutralité n’est au fond que de l’attente. Je parle de ces libéraux déclassés qui, sans s’être associés, en 1830-31, au crédule enthousiasme des radicaux, acceptèrent la prépondérance ecclésiastique comme un pis-aller, et dans la persuasion que le clergé serait plus dangereux encore au sein de l’opposition qu’au sein du pouvoir. Ces hommes ont voulu continuer l’expérience jusqu’au bout ; mais, une fois éclairés sur l’incompatibilité absolue du principe théocratique et du principe constitutionnel, ils préféreront tout naturellement les chances incertaines de la lutte au péril certain et permanent du statu quo.

On devine quel a été le choix de l’ultramontanisme belge ; il n’a vu, dans le hasard inoui qui lui permettait d’être despote sans violence, qu’une garantie d’impunité, une occasion précieuse d’abdiquer toute