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raillait, s’armait de sarcasme, et devenait à son tour impétueux et inexorable.

Tout le monde faisait silence. Que deviendra le ministère ? comment l’opposition se dessinera-t-elle en face de la révolution française ? Fox se montra digne de son rôle de tribun. Il loua la révolte comme une vengeance de la liberté. L’indignation bouillonnait chez Burke. Il se leva : « Vous prenez l’apparence de la vertu pour la vertu, l’image de la liberté pou la liberté, l’ombre pour le corps, les pratiques pour la foi ! Vous vous livrez aux intrigues, vous vous abandonnez aux sycophantes ; vous êtes dupes et n’êtes pas naïfs ! » - Ensuite, essayant d’imposer silence à son émotion, il continua plus calme :


« Les communes ont entendu ce que l’un des honorables membres de l’opposition a osé dire en faveur de troupes révoltées. C’est un grand danger que de telles opinions prononcées par un tel orateur, armé d’une autorité si haute. Pour moi, je voudrais que ma voix éveillât en faveur des sentimens contraires toutes les généreuses sympathies de mes concitoyens. Oui, c’est avec enthousiasme que je contemple une révolution comme celle de 1688, pleine de respect pour tous les droits, pure de sang, libre de crimes. Dès que vous me montrerez la violence, la rapacité, la cruauté, la perfidie, mes regards se détourneront avec horreur. Le despotisme m’est odieux ; en France comme ici, je l’abhorre. Il y a un despotisme plus hideux que celui des monarques, le despotisme d’une populace sanguinaire, spoliatrice et féroce, chargée de tous les vices de la république et n’ayant pas une de ses vertus. Non, non, cet exemple, ne l’imitons pas ; détestons-le. »


Son regard, sombré et triste, s’était appuyé sur Fox, qui comprit l’adieu touchant et les égards de cet homme sincère, et qui lui répondit avec la même mesure :


« J’ai toujours eu la vénération la plus profonde pour le jugement de mon honorable ami. Ses paroles m’ont tenu lieu d’une instruction plus précieuse que tous les livres. C’est lui qui m’a enseigné l’amour de notre constitution ; r’est à lui que je dois toutes mes connaissances politiques, ou du moins ce qu’elles ont de profond et d’utile. Le discours qu’il vient de prononcer, essor merveilleux d’éloquence, l’une des plus belles preuves de talent que l’on ait données en cette chambre, excite mon admiration et ne m’offre qu’un ou deux raisonnemens que je voulusse combattre. Cependant, quant à l’ensemble du sujet qui nous occupe, mes opinions ne peuvent varier : »


Tant de ménagemens mutuels déplurent à Sheridan et le blessèrent ; plusieurs fois il avait rencontré sur le chemin de ses étourderies et