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unité et le secret de ses actes. Cette fois le doute n’était plus permis : le clergé ne visait plus uniquement au monopole de fait, mais au monopole de droit. Les libéraux comprirent enfin quelle monstrueuse inégalité recélait au fond ce prétendu système d’égalité absolue et de parfait équilibre auquel ils avaient si bénévolement adhéré. Toutes représailles devenaient impossibles. Pour rendre au clergé coup pour coup, pour rejeter aux couvens l’interdit lancé contre la franc-maçonnerie il ne fallait rien moins, que biffer un article de la constitution. Le clergé, au contraire, pouvait impunément, sans infraction matérielle à la constitution, et en faisant tout simplement usage du droit qu’elle lui donnait de publier ses actes, supprimer une à une toutes les libertés. Je dis supprimer, car, à défaut des moyens de coërcition pénale que la loi lui refusait, et dont il se souciait fort peu, son ascendant moral dans un pays, essentiellement catholique, où le titre d’excommunié porte encore, avec lui les terreurs du moyen-âge, garantissait à ses projets réactionnaires une pleine efficacité. Une fois entré dans sa nouvelle voie, il dédaigna tout palliatif. Les esprits en étaient encore à pénétrer le mystère de cette croisade de l’épiscopat contre une association où naguère des prélats belges ne dédaignaient pas de s’affilier, qu’un évêque, préludant à la fameuse lettre pastorale de 1843, fulminait l’interdit contre un journal politique et pour des opinions exclusivement politiques.

Les ultra libéraux se répandirent en amères invectives contre ce qu’ils appelaient l’apostasie du clergé, c’est sur eux que la principale responsabilité tombait M de Potter, le journaliste catholico-républicain, fit retentir la presse de ses conseils, de ses menaces, et plus tard de ses plaintes. M. Gendebien, dont le vote républicain avait tant de fois rencontré dans l’urne celui de l’abbé de Haerne et de maint autre abbé, tourna résolument à la prêtrophobie. M. Veraehegen, le futur successeur de M. Gendebien à la tête du parti ultra libéral, disciplina les débris des loges maçonniques, et organisa silencieusement dans leur sein la résistance qui devait éclater huit années plus tard. Les rôles politiques se transposèrent encore une fois. Le clergé voyait se déchaîner contre lui les libéraux exaltés, ses séides de la veille, et trouvait un appui forcé chez les libéraux modérés, ses alliés douteux dans la dernière insurrection.

MM. Lebeau et Rogier, chefs de ce dernier parti, étaient au pouvoir quand débuta la réaction ultramontaine. Ils avaient deviné ses plans. Le projet d’organisation communale, élaboré et présenté sous leur ministère, et qui renforçait le pouvoir exécutif, doit être considéré