Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/629

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous ressemblez à votre mère !… Ma pauvre Agathe !… C’est elle qui m’écrit !… — Oui, ma tante, répondit la jeune fille en pleurant d’attendrissement et de joie. Elle n’a pas osé venir, et elle m’envoie…. Oh ! comme elle sera heureuse quand je lui dirai avec quelle bonté vous m’avez accueillie !

— Pauvre sœur ! murmura la baronne, il aurait fallu l’empêcher de rentrer ici ; mais il ne m’est pas défendu de recevoir sa fille. Non, je ne fermerai pas la porte du château de Colobrières à cette enfant, et son oncle la verra !

Tandis que cette petite scène se passait à l’entrée du château, Anastasie s’était rapprochée ainsi que Gaston ; tous deux considéraient la nouvelle venue avec une curiosité pleine d’étonnement, et le cadet de Colobrières murmurait à l’oreille de sa sœur : —C’est une demoiselle de la ville. Et ces grands laquais, et cette femme qui est assise dans le carrosse, ce sont ses gens ! Quel train ! quel équipage ! Mais qu’est-ce que tout ce monde-là vient donc faire ici ?

La baronne avait achevé de lire la lettre ; elle appela ses enfans, et dit, en leur présentant la jeune fille : — Voici Mlle Éléonore Maragnon, votre cousine ; faites-lui compagnie un moment, tandis que je vais prévenir votre père de son arrivée.

Gaston tira son chapeau et salua en reculant d’un air effarouché, tandis que sa sœur faisait de son côté une gauche et timide révérence à cette parente inconnue.

La jeune fille, déjà revenue du léger embarras que lui avait causé cette espèce de présentation, tendit la main à Anastasie en lui disant avec la grâce et la facilité d’expression que donne l’habitude du monde :

— Ma cousine, je vois bien à votre air que je vous suis tout-à-fait étrangère ; jamais personne ne vous a parlé de moi, n’est-ce pas ? Moi, au contraire, je vous connais : M. le curé de Saint-Peyre parlait toujours de vous dans ses lettres à ma mère. En venant ici, je savais bien que j’y trouverais une charmante demoiselle de mon âge, et je me sentais toute disposée à l’aimer beaucoup, ainsi que mon cousin Gaston.

— C’est bien de l’honneur que vous nous faites, ma cousine, balbutia la pauvre Anastasie, ne sachant de quelle manière répondre à ce compliment. Quant au cadet de Colobrières, il avait rougi comme une fillette de quinze ans, lorsqu’Éléonore l’avait nommé, et il avait fait encore un pas en arrière.

Le retour de la baronne coupa court à cet entretien difficile.