Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clergé calomniait, au profit de ses établissemens, l’enseignement donné par l’état : les collèges ecclésiastiques furent astreints, comme les autres, à ne recevoir que des professeurs gradués dans l’université, celui de Thielt résista et fut fermé. Les séminaires étaient des écoles de sédition : Guillaume, reprenant en partie l’idée de Joseph II, créa le collège philosophique, sorte d’école normale, où tous les aspirans à la prêtrise devaient faire, sous le couvert d’études littéraires et scientifiques, leur noviciat de citoyen. Le pape taxa cette institution d’attentatoire au catholicisme, et conseilla indirectement l’insurrection, en rappelant à l’épiscopat belge sa protestation de 1787 contre le séminaire général ; mais Guillaume tint bon. Le prince de Méan, archevêque de Malines, fut sévèrement réprimandé pour avoir reçu et transmis ce manifeste incendiaire.

Le clergé n’épargnait rien de son côté pour créer au gouvernement une situation violente ; Des émissaires, parcouraient les campagnes, annonçant au familles l’abrogation des nouveaux règlemens, et les chefs d’institutions ecclésiastiques refusaient des certificats de bonne conduite aux élèves qui se rendaient dans les établissemens approuvés par l’état. Le clergé contrevenait comme à plaisir aux plus simples dispositions de police pour donner aux répressions nombreuses qu’il provoquait un caractère de persécution acharnée, incessante. A Gand, par exemple, cinq nouvelles églises furent ouvertes sans autorisation ; l’administration les ferma, et la populace, qui ne se doutait pas des décrets de 1807 et de 1812, répéta, d’après les curés, que le culte al lait être aboli. Le concordat de 1827, qui rétablissait les droits de l’état sur l’église, en légitimant toutes les prétentions de Guillaume à l’égard des évêques, produisit une apparente réconciliation entre celui-ci et le clergé ; mais le principal et peut-être l’unique grief du clergé contre la domination hollandaise reposait sur le principe même que venait de consacrer le concordat La suite le prouva. Aux abords de 1830, quand Guillaume satisfit aux autres griefs, qu’il rapporta certaines dispositions réputées hostiles aux séminaires, qu’il amnistia les étudians et les séminaristes émigrés, qu’il abolit enfin le collége philosophique, l’opposition cléricale, loin de ralentir sa marche, alla jusqu’à l’insurrection. Comme Joseph II, Guillaume demeura convaincu de philosophie, et ce mot, que les bons paysans des Flandres, que leurs curés eux-mêmes étaient fort en peine de comprendre, réveilla chez ces populations, et surtout dans les campagnes où la domination française avait peu déteint sur les mœurs, le fanatisme révolutionnaire de 1787.