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l’attention. Depuis son arrivée à Berlin, M. Stahl s’était occupé particulièrement de questions religieuses ; ces questions, il les traitait dans une forme qui devait plaire au roi : la tentative épiscopale faite il y a quelques années à Jérusalem n’a pas trouvé d’approbation plus ardente que celle du jurisconsulte piétiste. Autour de M. Stahl se rangent les publicistes conservateurs, lesquels comme lui, ne veulent pas entendre parler d’une constitution. J’ai sous les yeux un manifeste très singulier de ce parti ; en voici le titre : la Voix des fidèles sujets de Sa Majesté le Roi. Profession de foi des bons Prussiens. L’auteur commence par poser en principe que le roi tient sa couronne de Dieu seul, et n’en doit compte qu’à Dieu. « Vouloir mettre des bornes à ce pouvoir absolu, lui demander de se limiter lui-même, c’est agir contre la volonté divine. » Il est impossible d’être plus clair, et la conséquence est facile à tirer. Le parti conservateur, qui se recrute surtout dans la noblesse et les fonctionnaires, a produit plusieurs manifestes de ce genre ; le fond est toujours le même, la forme seule varie. Tantôt c’est une théorie bénigne, insinuante : « Le roi est le père du peuple, dit l’auteur ; est-il nécessaire que le père de famille partage avec son fis le gouvernement de la maison ? et convient-il que les enfans exigent des garanties contre l’administration paternelle ? » Tantôt c’est une sorte de sermon méthodiste : « Défiez-vous de ces désirs de liberté, ce sont les conseils de Satan. Vous habitez Le paradis terrestre ; prenez garde au péché d’Ève. Une constitution ! c’est l’œuvre du diable. » Les publicistes du parti conservateur, hâtons-nous de le dire, ne tombent pas tous dans de pareilles sottises ; il y en a qui défendent avec beaucoup d’habileté cette mauvaise cause de l’ancien régime. M. Streckfuss, dans un livre estimable, les Garanties de la Prusse (Garantien der preussischen Zustände), a combattu le parti constitutionnel avec un talent sérieux. Il fait rapidement l’histoire de la monarchie prussienne, et montre les ancêtres de Frédéric-Guillaume marchant toujours avec la pensée publique et la guidant quelquefois dans les chemins de l’avenir. Le règne du grand Frédéric lui fournit à ce sujet des réflexions pleines de sagacité. Voilà, selon lui, les véritables garanties de la Prusse ; c’est cette politique élevée, c’est cette situation de la monarchie prussienne, laquelle s’est fait un besoin de l’intelligence, du progrès des lumières, du développement de la philosophie. « La maison de Hohenzollern, s’écrie M. Strekfuss, vaut pour la Prusse une charte et une république. » L’auteur conclut en repoussant tout projet de constitution ; les états provinciaux lui suffisent. C’est aussi la conclusion d’un travail