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dans le chemin des rois ! et qu’ils sont dignes de pitié, si le cœur et l’esprit de leur peuple ne leur prêtent une vigoureuse assistance ! Aussi, messieurs, dans la ferveur de l’amour que je porte à ma noble patrie et à mon glorieux peuple, je vous adresse à tous, en cette heure si sérieuse, cette sérieuse question. Si vous le pouvez, comme je l’espère, répondez-y en votre nom et au nom de ceux qui vous ont envoyés. Chevaliers, bourgeois, paysans, et vous tous, parmi cette foule innombrable, vous tous qui pouvez m’entendre, voici la question que je vous adresse : Voulez-vous, en cœur et en esprit, en paroles et en actes ; voulez-vous, avec la fidélité sainte d’un cœur allemand, avec l’amour plus saint encore d’une ame chrétienne, voulez-vous m’aider à maintenir la Prusse telle que je l’ai décrite tout à l’heure, telle qu’elle doit être pour ne pas périr ? Voulez-vous m’aider à développer plus richement chaque jour les ressources vivaces qui ont fait de ce pays, malgré son petit nombre d’habitans, une des grandes puissances de la terre ? Ces ressources, vous les connaissez ; c’est le sentiment de l’honneur, la loyauté, l’amour de la lumière, l’amour du droit et de la vérité, et l’ardent désir de toujours marcher en avant, avec l’expérience de l’âge mûr et l’héroïque intrépidité de la jeunesse. Or, êtes-vous bien résolus à ne point m’abandonner dans cette tâche, à y persévérer au contraire, à vous y obstiner avec moi dans les bons et dans les mauvais jours ? Répondez-moi donc par le son le plus clair et le plus joyeux de la langue maternelle, répondez-moi avec acclamations : Oui ! » Les acclamations si franchement sollicitées éclatèrent ; la foule immense qui pressait sous le balcon, sur la place et dans toutes les rues d’alentour, répéta au loin ce oui solennel dont le roi lui donnait le signal. Cette joie naïve se propagea rapidement ; les journaux en furent remplis ; les esprits les plus sévères cédèrent à l’enivrement universel, et un publiciste, moins confiant aujourd’hui, M. Charles Brüggemann, faisait remarquer très gravement que ce chiffre 40 avait toujours été favorable à la Prusse : c’est en 1640 que le grand-électeur est monté sur le trône ; en 1740, ce fut le jeune et brillant prince qui devait être Frédèric-le-Grand ; que ne devait-on pas attendre de 1840 et de l’avènement du nouveau roi ! Je m’arrête. Ce singulier rapprochement montre assez avec quelle candeur s’éveillaient les espérances publiques.

Ces espérances étaient-elles bien légitimes ? les paroles même que nous venons de rapporter justifient-elles complètement cette ferveur de l’opinion ? Non, sans doute. Les esprits, plus calmes aujourd’hui, ne trouvent guère, en relisant ces discours, qu’un mélange assez