Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dire, toute influence locale, et les séparent du pays plutôt qu’elles ne les y rattachent. Il y a tel savant, connu de l’Europe entière, qui n’aurait pas deux voix dans son département.

Et ne croyez pas parce qu’ils ne représentent aucun intérêt local, ces candidats à la pairie soient plus propres à représenter les intérêts généraux. Non ; ils représentent un intérêt spécial, l’intérêt de telle ou telle fonction ou de telle ou telle science, et les intérêts spéciaux sont, selon moi, aussi étroits et aussi exclusifs que les intérêts locaux. Les hommes qui comprennent le mieux les intérêts généraux du pays, ce sont les hommes politiques, ceux dont nous avons indiqué L’éducation et le but ; mais ce sont précisément ces hommes politiques que les catégories de fonctionnaires excluent de la chambre des pairs.

Reste la seconde espèce de catégories, celle qui concerne les fonctions électives. Ces catégories constituent une sorte de candidature, mais cette candidature est trop indirecte. Le député qui fait ses six ans de législature, le membre du conseil-général qui prétend à la présidence, le maire d’une ville de trente mille ames qui garde pendant cinq ans ses foncions municipales, ne sont candidats à la pairie que par occasion. Sauf le député, ils ne se préparaient pas à la vie politique, ils ne voulaient pas devenir membres d’une assemblée législative. Ils sont donc appelés à la politique sans s’y être voués, et c’est là encore, pour la chambre des pairs, une cause d’affaiblissement comme pouvoir politique. M. de Francaleu avait cinquante ans quand lui vint le talent de faire des vers. Avec le système des catégories, c’est à cinquante ans aussi que viendra aux candidats à la pairie le talent de faire des lois. Ainsi, les catégories que j’appellerais volontiers électives ont elles-mêmes l’inconvénient, sauf la catégorie de la députation, de ne pas donner à la chambre des pairs les hommes qu’il faut à une assemblée politique ; et, pour cette chambre, la meilleure catégorie et la plus féconde est encore, chose triste à dire, celle des députés fatigués.

Il en serait autrement si, au lieu de faire de certaines catégories électives une candidature indirecte pour la pairie, on trouvait le moyen de lier plus directement la pairie aux fonctions électives, si la pairie, au lieu d’être l’accessoire d’une fonction, devenait un but principal. Alors il y aurait des hommes politiques qui se prépareraient spécialement à la pairie, alors la pairie redeviendrait une assemblée politique.

Cette idée nous amène, après avoir examiné les causes diverses de