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que les catégories font, depuis quinze ans, partie de la loi qui a réglé recrutement de la chambre des pairs, et que, s’il est permis de les réviser, il est impossible de les abolir tout-à-fait. Jugeons-les donc impartialement d’après ce qu’elles ont de bien et le mal.

Il y a dans les catégories une distinction à faire : les unes concernent seulement les fonctions publique, et ce sont celles-là que je ne regarde pas comme heureuses et fécondes pour la chambre des pairs : les autres concernent les fonctions électives, qui, après un certain temps de service, donnent aussi entrée à la chambre des pairs, et celles-ci ont l’avantage, à mes yeux, de rattacher l’origine de la chambre des pairs à l’élection populaire ; mais elles l’y rattachent d’une manière trop indirecte.

Le malheur de la chambre des pairs, en effet, depuis l’abolition de l’hérédité, c’est que, n’ayant plus ses racines en elle-même, elle ne les a pas non plus dans le pays. Parcourez les catégories qui concernent les fonctions publiques, et dites quels sont les liens nécessaires entre le pays et les fonctionnaires admissibles à la pairie. Quand je parle du pays, je parle d’une province, d’un département, d’un canton ; je ne parle pas de l’état en général que servent les fonctionnaires publics. Cependant ces liens qui existent entre un homme et une ville ou un département sont fort importans de nos jours. Le gouvernement ne touche pas seulement la société par les autorités constituées, tels que les préfets et les sous-préfets ; il la touche par des influences reconnues, telles que les députés, les membres des conseils-généraux, les maires, et l’ascendant qu’ont ces fonctionnaires électifs contribue beaucoup à l’ascendant du gouvernement. Il est donc à désirer que les membres des chambres aient chacun leur cercle d’action et d’influence ; mais quelle action voulez-vous que puisse avoir un lieutenant-général qui, sorti à vingt ans de son département pour entrer à Saint-Cyr, a depuis ce temps servi honorablement dans l’année, et est toujours resté loin de ses compatriotes ? il faut en dire autant et même plus des ambassadeurs, dont le métier est de vivre à l’étranger ; des conseillers d’état, qui résident à Paris ; des amiraux et vice-amiraux, qui sont sur mer ; des gouverneurs coloniaux ; des membres de l’institut, qui siègent à Paris. Non pas que ces divers fonctionnaires ne puissent avoir des liens très étroits avec tel ou tel département, ils peuvent même cultiver très soigneusement ces relations ; mais ces relations ne résultent pas nécessairement de leurs fonctions, et de plus ils n’en ont pas besoin légalement pour arriver à la pairie. Leurs fonctions ou leurs études leur ôtent donc, pour ainsi