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le feu des attaques dont ils sont l’objet serait un acte pusillanime dont M. le ministre des finances ne saurait vouloir prendre la triste responsabilité.

Est-il possible de reconnaître un caractère politique au livre que vient de publier M. Alexis Dumesnil ? Si l’équité, la hauteur et l’impartialité d’esprit sont des qualités indispensables à celui qui veut s’ériger en juge, en censeur des sociétés humaines, nul moins que l’auteur des Épreuves sociales de la France ne fut fait pour cette imposante mission. La bonne foi ne suffit pas pour donner à un écrivain le droit de jeter l’anathème à la face de son pays et de l’accuser d’une corruption séculaire. Nous croyons que M. Alexis Dumesnil est sincère ; il paraît avoir vieilli dans une sorte de solitude, loin des affaires et du monde, sans donner d’autre aliment à son esprit que certaines généralités stériles et fausses, revêtues d’un style presque toujours prétentieux, pauvre et vide. À quel ordre d’idées philosophiques, religieuses, politiques, appartient l’auteur ? Comment le dire ? Il n’y a pas dans son livre une seule idée positive qui nous le puisse indiquer. Les Épreuves sociales de la France sont un acte d’accusation contre le pays, et l’accusation remonte jusqu’au milieu du XVIIe siècle : depuis Louis XIV, et par son fait même, nous sommes profondément corrompus. Après un pareil début, on peut penser ce que dira l’auteur des époques de la régence et de Louis XV. La révolution française, destinée à faire justice de tant de scandales, fut sur-le-champ corrompue à sa source, et elle n’a eu pour représentans que des hommes voués à l’erreur, au vice, au crime. L’auteur veut avilir jusqu’au glorieux commandant de l’armée d’italie : plus tard, Bonaparte n’est, à ses yeux, qu’un insensé qui a mérité l’échafaud de Sainte-Hélène. Louis XVIII et Charles X sont traités avec le plus injurieux mépris. Depuis 1830, tous les partis, toutes les écoles, ne méritent qu’une accablante réprobation que l’auteur répartit entre les doctrinaires, les romantiques et les jésuites. Quelle est la conclusion de cet amas de divagations et d’invectives ? C’est qu’un châtiment terrible attend la France, c’est que la France est réservée à une fin malheureuse qui aura le caractère d’une grande et solennelle expiation. Un de nos poètes lyriques parle, dans une de ses odes, de la sainte manie qui le transporte : M. Dumesnil a aussi une manie, mais elle est loin d’être sainte ; elle est triste, déplorable, et nous la dirions criminelle, si ce n’était pas prendre trop au sérieux les déclamations de l’écrivain. S’il a trente ans M. Alexis Dumesnil avait donné à son esprit d’autres habitudes que celles d’une stérile misanthropie, peut-être eût-il fini par écrire des livres utiles qu’on eût distingués.

Une carrière qui s’était ouverte avec distinction vient d’être terminée avant le temps. M. Eugène Ney, dont la mort prématurée a provoqué des regrets unanimes, avait débuté avec succès dans la diplomatie ; il avait été un des collaborateurs de ce recueil dès les premières années de son apparition. La Revue des Deux Mondes doit à M. Eugène Ney plusieurs articles remarquables où il avait consigné les résultats de ses voyages tant aux États-Unis qu’à Terre-Neuve et à Cuba. M. Eugène Ney avait une sympathie na-