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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 octobre 1845.


La saison politique n’est pas encore ouverte, et cependant les préoccupations sérieuses ne manquent pas. Au dehors, au dedans, les questions abondent, les difficultés surgissent. En parlant ainsi, nous ne faisons que reproduire l’impression générale, et nous ne saurions être accusés d’un accès de pessimisme. Il semble même que sur ce point le cabinet pense comme tout le monde. Les membres les plus éminens du ministère reconnaissent qu’ils ont devant eux un avenir difficile. M. le maréchal Soult vent se décharger le plus possible du fardeau des affaires, et M. Guizot, loin de voir dans cette intention une chance heureuse qui le rapproche de la présidence, redoute cette présidence, qui est à ses yeux une distinction plus périlleuse que tutélaire. M. le ministre des affaires étrangères retiendra le plus long-temps qu’il pourra le maréchal Soult à la tête du cabinet, non qu’il lui demande une coopération active ; ce qu’il veut, c’est on nom, son assistance. Il pense que le nom de son illustre collègue lui prête quelque force, tant vis-à-vis des chambres qu’auprès de la couronne, et qu’à côté d’un pareil président il est premier ministre d’une manière plus sûre et moins orageuse. Cependant les désirs de retraite qu’a manifestés M. le maréchal Soult ont été plus vifs et plus décidés qu’à d’autres époques. Ce n’est pas la première fois qu’au retour de Soultberg M. le duc de Dalmatie laisse voir à ses collègues l’envie qu’il aurait de les quitter. Dans les paisibles loisirs de sa résidence de Saint-Amand, le vieux maréchal est volontiers gagné par le dédain des grandeurs humaines ; mais à Paris ces impressions s’effacent, et tout en grondant un peu tout ce qui vous entoure, ses collègues, ses amis, qui travaillent à vous retenir, on reste aux affaires. Toutefois, cette année, M. le maréchal Soult a montré une volonté plus ferme de conquérir un peu de repos : tout ce qu’on parait avoir obtenu de lui, c’est qu’il consentît à faire, pour ainsi parler, une retraite en deux actes. Il commencerait par déposer le portefeuille de la guerre, en retenant la présidence ; mais combien de temps la gardera-t-il ? Dans le cabinet, M. le duc de Dalmatie a une véritable importance, parce qu’il est le ministre de la guerre le plus considérable que l’armée puisse avoir à sa tête. Maintenant, sans le portefeuille de la guerre, que