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beaucoup d’écrivains le résultat de cette tentative. Ainsi, l’ironie d’abord, puis les prétentions politiques, voilà quels furent les essais, les procédés des poètes modernes, quand ils cherchèrent à se créer une forme originale et à renouveler la poésie, si cela était possible, après Goethe et Uhland.

Que devenaient cependant les vrais poètes, les poètes sincères, ceux qui acceptaient loyalement la difficulté de leur position et qui croyaient peu à ces tentatives factices, à ces recettes du talent et de la gloire ? Il y avait pour eux, ce me semble, même au milieu de ces embarras, une place encore très honorable à prendre, et ils le pouvaient faire à moins de frais, sans y mettre tant d’habileté, sans y employer une si singulière diplomatie. La franchise on l’a dit, est souvent ce qu’il y a de plus habile, mais cela est vrai surtout en poésie. Là tous les expédiens, toutes les précautions, si ingénieuses qu’on les imagine, ne vaudront jamais la loyale expression d’un sentiment sincère. Eh bien ! si je rencontrais parmi ces poètes contemporains un esprit vraiment inspiré, qui sut accepter avec résignation les difficultés d’un héritage glorieux et lourd, si ce poète, sans repousser les idées présentes, sans méconnaître le travail de la patrie et les vifs désirs des générations nouvelles, si ce poète demeurait cependant fidèle aux sérieuses traditions de l’art et de la poésie dans son pays ; si, de plus, on pouvait découvrir et suivre, dans la série de ses œuvres, les inquiétudes, les douleurs, toute l’histoire enfin d’un de ces poètes épigones dont je parlais tout l’heure, je crois que le charme d’une telle poésie serait bien grand au milieu du tumulte bizarre des imaginations contemporaines ; je crois surtout que ce poète, sans parti pris, sans procédé suspect, par la seule franchise de son cœur, aurait très heureusement compris sa position, et qu’il en aurait obtenu tout ce qu’elle pouvait lui fournir. Or, c’est là, je ne m’en défends pas, la salutaire impression qui me reste dans l’esprit, au moment où je ferme ce grave et brillant volume qu’un poète, jeune encore, quoique déjà éprouvé, M. Franz Dingelstedt, vient d’offrir à l’attention de l’Allemagne.

Nous connaissions déjà M. Dingelstedt, nous avions plus d’une fois cité son nom, nous avions signalé et quelquefois traduit ses plus beaux vers. M. Dingelstedt a pris part, en 1840, à la levée de boucliers des poètes politiques, il est un de ceux qui ont le plus vivement réclamé ces libertés intérieures tant promises depuis 1813 et toujours ajournées. Parmi les recueils éloquens ou railleurs que fit naître cette bruyante émeute, son poème est certainement non pas le plus vigoureux, mais le plus fin, le plus distingué ; et quand les dithyrambes de