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LA MARQUISE

Je vais vous dire deux proverbes : le premier, c’est qu’il n’y a rien de tel que de s’entendre. Par conséquent, nous causerons de ceci.

LE COMTE

Ce que j’ai osé vous dire ne vous déplaît donc pas ?

LA MARQUISE

Mais non. Voici mon second proverbe c’est qu’il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Or, voilà trois quarts d’heure que celle-ci, grace à vous, n’est ni l’un ni l’autre, et cette chambre est parfaitement gelée. Par conséquent aussi, vous allez me donner le bras pour aller dîner chez ma mère. Après cela, vous irez chez Fossin.

LE COMTE

Chez Fossin, madame ? pourquoi faire ?

LA MARQUISE

Ma bague.

LE COMTE

Ah ! c’est vrai, je n’y pensais plus. Eh bien ! votre bague, marquise ?

LA MARQUISE

Marquise, dites-vous ? Eh bien ! à ma bague, il y a justement sur le chaton une petite couronne de marquise, et comme cela peut servir de cachet… Dites donc, comte, qu’en pensez-vous ? il faudra peut-être changer les fleurons ? Allons, je vais mettre un chapeau.

(Elle s’en va, le comte la suit et laisse la porte ouverte.)
LE COMTE, dans la coulisse.

Vous me comblez de joie ; comment vous exprimer…

LA MARQUISE, de même

Mais fermez donc cette malheureuse porte ! cette chambre ne sera plus habitable. (Le comte ferme la porte.)


ALFRED DE MUSSET.