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Tom Steele s’écrie que « la guerre est plus que jamais engagée entre le ministère saxon et la religion catholique, non la guerre d’Achille et d’Ajax contre Troie, mais celle du rusé Ulysse et du perfide Sinon ; » bien que, de son côté, l’archevêque de Tuam, le docteur Mac-hale, dénonce le beqtess-bill et l’education-bill comme plus dangereux que les vieilles lois pénales, par cette raison « que cent requins morts sont moins nuisibles qu’un crocodile vivant. » En dépit de toutes ces belles choses, Conciliation-Hall est à peu près vide, et fait de vains efforts pour alimenter la fièvre du rappel. Cependant, à côté de l’agitation catholique, il vient d’en apparaître une autre qui porte dans son sein la guerre civile avec tous ses malheurs : c’est l’agitation orangiste. Au plus fort de la tempête de Maynooth, on s’était étonné, en Angleterre, que le protestantisme irlandais restât comparativement assez calme, et quelques feuilles ultra-tories lui en avaient, fait un amer reproche. Aussi, pour ranimer un zèle éteint, le plus violent champion du fanatisme protestant, M. Ferrand, membre du parlement, était-il accouru à Dublin le jour où l’on célébrait l’anniversaire de la bataille de la Boyne, et avait-il prononcé un long discours, au milieu duquel se rencontraient des passages tels que ceux-ci : « Les ministres sont traîtres à leur religion, à leur pays, à leur souveraine, à leur Dieu. — Peel est un imposteur ; c’est le plus abominable traître qui ait jamais vécu. — Sir James Graham a répondu à une lettre que je lui ai écrite par un rapport infame et mensonger. — Le jour où la reine donnera sa signature au bill papiste de Maynooth, elle abdiquera son droit et son titre à la couronne d’Angleterre. » Néanmoins quelque hésitation se manifestait encore, quand une circonstance particulière vint mettre le feu à toutes les têtes. La grande association orangiste, avec ses insignes, ses statuts, son organisation, avait été supprimée comme contraire à la loi, et de plus un bill temporaire avait interdit les processions armées, au moyen desquelles les protestans irlandais célébraient d’ordinaire l’anniversaire de leurs victoires sur les catholiques. Ce bill ayant expiré en 1845, le ministère ne jugea point à propos de le renouveler, s’en fiant, dit-il, au bon esprit des populations protestantes. Cependant à Lisburn, dans le comté d’Antrim, une réunion de protestans eut lieu pour examiner s’il ne serait pas à propos de réorganiser l’association orangiste et de recommencer les processions. À cette réunion assistait un des juges de paix du comté, député-lieutenant, M. Watson, qui se prononça pour l’affirmative. Lord Heytesbury aussitôt, dans une lettre aussi sévère que sage, lui déclara « qu’en coopérant à la réorganisation