profit comme le font les propriétaires fonciers, et de créer des électeurs industriels à 40 shel., comme on crée des électeurs territoriaux. Dans ses excellentes Études sur l’Angleterre, M. Léon Faucher donne sur cette grande manœuvre les détails les plus précis, et prouve qu’elle a déjà très probablement changé la majorité dans plusieurs bourgs et comtés. La ligue d’ailleurs a étendu le cercle de ses projets, et ne se borne plus à demander l’abolition des lois sur les céréales ; c’est la liberté absolue des échanges qu’elle réclame, et déjà elle a son projet de budget, qui, chose assez étrange, a été rédigé non par un de ses membres, mais par un employé supérieur du bureau de commerce, M. Macgrégor. D’après ce projet de budget ; il n’y aurait que quatre sortes d’impôt : 1° un impôt direct sur les terres et sur les revenus produisant 11,000,000 livres st. à peu près ; 2° un droit de timbre et d’enregistrement produisant 7,500,000 livres ; 3° un droit sur les esprits distillés à l’intérieur et sur la drèche tant indigène qu’étrangère, produisant 10,000,000 livres ; 4° enfin un droit à l’importation sur le thé, le sucre, le café et le cacao, le tabac, les esprits distillés, les vins, les fruits secs, les épiceries, produisant 21,500,000 livres : en tout 50,000,000 sterl. Tel est le budget auquel la ligue se rallie, tout en espérant qu’un jour il pourra être réduit.
Il faut en convenir, c’est là une association très sérieuse, très puissante, et qui le deviendrait encore plus, si quelque chef de parti consentait à se mettre à sa tête. Elle le sent, et se tient prête à investir de tous ses pouvoirs l’homme politique qui voudrait accepter pleinement ses principes. L’an dernier, à Wakefield, une entrevue publique eut lieu à ce sujet entre M. Cobdeu et lord Morpeth ; tout en manifestant une grande sympathie pour la ligue, lord Morpeth crut devoir faire quelques réserves, et la négociation en resta là. En attendant, sous la direction de M. Cobden, de M. Wilson, de M. Bright, la ligue intervient dans les élections pour peu que les chances lui semblent favorables. Quelquefois c’est avec succès, quelquefois aussi, comme tout dernièrement à Sunderland en compromettant la cause libérale. Aux dernières élections, Sunderland avait élu à une forte majorité lord Howick fils aîné de lord Grey ; à la mort de lord Grey, lord Howick passa à la chambre des lords, et dut être remplacé. La ligue aussitôt envoya à Sunderland M. Bright, qui présenta aux électeurs le colonel Thompson, ligueur déterminé et pur radical ; mais un candidat tory, M. Hudson, surnommé le roi des chemins de fer, s’était mis sur les rangs de son côté, et opposait la séduction des embranchemens à celle du pain à bon marché. Dans cette lutte étrange,