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pompeusement toutes les semaines dans la salle de l’association, pour se faire des complimens entre eux et pour injurier leurs adversaires. Dans les premiers jours de la session, un de ces membres, M. Roche, piqué de quelques paroles fort vives de M. Roebuck contre les déserteurs de Conciliation-Hall, s’était cependant détaché du bataillon sacré pour aller en plein parlement demander raison de ces paroles ; mais, arrêté tout court par le président, M. Roche était revenu reprendre paisiblement sa place au milieu de ses amis. Quant à O’Connell, son temps paraissait absorbé par sa polémique contre les évêques au sujet du bequests-bill, et par la réorganisation du club des volontaires de 1782 avec un nouveau costume[1]. Quelquefois aussi il commentait à sa façon les débats du parlement, et accablait d’invectives les ministres « qui, disait-il, avaient osé faire tomber des douces lèvres de la reine cette phrase impie : Le rappel est en déclin. » Quand vint le bill de Maynooth, il fallut pourtant bien en tenir compte, et on n’hésita pas à déclarer ce bill parfait, admirable, excellent ; toutefois on semblait en même temps se soucier assez peu qu’il réussît. Ainsi les paroles de sir Robert Peel sur I’Orégon devinrent le sujet d’interminables vanteries et de menaces imprudentes. D’un autre côté, le discours de M. Macaulay, ce discours si bienveillant pour l’Irlande, fut mis au ban de l’association comme le plus insolent qui jamais eût été prononcé. M. Macaulay avait dit que l’Irlande devait être traitée en tout sur le pied de la plus parfaite égalité ; mais il avait dit qu’elle n’obtiendrait jamais le rappel, et c’est un crime qui ne pouvait être pardonné. « Quoi qu’en dise ce drôle écossais (scotch fellow) qu’on nomme Macaulay, s’écriait « O’Connell à Dundalk, l’Irlande aura le rappel. C’est à l’Orégon qu’elle doit Maynooth. Il suffit de faire peur à l’Angleterre pour qu’elle ne refuse rien. » Assurément ce n’était pas là le moyen l’aider les hommes qui, au risque de perdre le pouvoir, au risque de compromettre leur élection, luttaient noblement à Londres contre les préjugés, contre les passions de leur pays. O’Connell fit plus encore. Il était question, depuis un an, d’un voyage de la reine en Irlande, et, pour faciliter ce voyage, la corporation de Dublin avait décidé à l’unanimité qu’en cette circonstance aucune manifestation politique n’aurait lieu ; O’Connell prétendit qu’après le défi jeté à l’Irlande par M. Macaulay, cela n’était plus possible, et que le peuple

  1. On sait que c’est au club des volontaires de 1782 que l’Irlande dut alors en très grande partie son indépendance parlementaire.