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nombre de leurs commettans protestaient contre leur vote, et s’engageaient sur l’honneur à tout faire pour punir les fauteurs du papisme. Au même moment, le vieux duc de Newcastle et lord Roden exprimaient publiquement la douleur qu’ils avaient ressentie en voyant les héritiers de leur nom donner la main à la prostituée de Babylone. Le duc de Marlborough fit plus encore, et accomplit un sacrifice qui dut être comparé, par quelques zélés prédicateurs, au sacrifice d’Abraham. Mécontent du ministère, le duc de Marlborough avait refusé, en 1844, de laisser réélire à Woodstock M. Thesiger, promu aux fonctions de procureur-général, et c’est par son propre fils, lord Blandford, qu’il l’avait fait remplacer ; mais lord Blandford, à la grande consternation du noble duc, venait de voter pour Maynooth. Dans cette grave circonstance, le duc de Marlborough n’hésita pas, et, en père de la Bible ou de Rome, il enjoignit à son fils de donner sa démission. Celui-ci obéit, et son beau-frère, Iord Loftus fut élu à sa place. Ce n’est pas sans peine, au contraire, que M. Forbes Mackensie, nommé lord de la trésorerie en remplacement de M. Pringle, put obtenir de ses électeurs qu’ils renouvelassent son mandat. Si, à cette époque, les élections générales avaient eu lieu, nul doute que le fanatisme ne l’eût emporté ; nul doute qu’une chambre digne d’être dirigée par Titus Oates ou par lord George Gordon n’eût apparu dans le monde, à la honte de l’Angleterre et de la civilisation.

Cependant le jour était venu où le champion persévérant du principe dit d’appropriation, M. Ward, devait développer sa motion. Dès le début, M. Ward avait annoncé qu’il proposerait d’appliquer, d’approprier à Maynooth une portion des revenus de l’établissement anglican ; mais, sachant que les adversaires du bill comptaient se servir de cette proposition pour faire échouer la mesure tout entière, il l’avait ajournée jusqu’après la seconde lecture. Pour la dixième fois, M. Ward exposa qu’il était absurde, immoral, révoltant, de payer chèrement en Irlande l’église le la minorité, tandis que l’église de la majorité devait se soutenir par elle-même. « Les Irlandais dit-il, ont autant de droits à un établissement catholique en Irlande que les Anglais à un établissement anglican en Angleterre, et les Écossais à un établissement presbytérien en Écosse. Les catholiques irlandais sont en outre parfaitement autorisés à vouloir se débarrasser de l’établissement anglican, signe visible de leur défaite et de leur déshonneur. » Après avoir établi que sur les 700,000 livres, revenu ordinaire le l’église anglicane de l’Irlande, il serait aisé de prélever les fonds nécessaires pour Maynooth, M. Ward s’étonna que