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s’écrièrent tout d’une voix « qu’un tel bill était une atteinte funeste à la vraie religion, une reconnaissance coupable d’un culte idolâtre, une injure sacrilège au Très-Haut. Quant à eux, leur parti était pris, et c’était sur le terrain du christianisme protestant qu’ils allaient porter le combat. » Le bill, au contraire, fut défendu par lord John Russell et par lord Sandon, par M. Ward et par lord Egerton aussi bien que par M. Sheil ; on remarqua cependant que le représentant radical de Finsbury, M. Duncombe, parla et vota contre au nom de ce qu’on appelle le principe volontaire. La première lecture n’en passa pas moins 216 contre 114.

Il y avait dans cette première épreuve tous les germes des difficultés qui bientôt assiégèrent sir Robert Peel, mais peu développés encore. Des journaux libéraux un seul, le Globe, se prononça d’abord contre le bill au nom du même principe que M. Duncombe. Les autres, à des degrés divers, donnèrent leur adhésion. Parmi les journaux tories, il y eut presque unanimité en sens contraire, et le Times, le Herald, le John Bull, le Morning Post, le Britannia, jetèrent à la fois un cri d’alarme. Jusque-là tout était prévu. Ce qui l’était moins, c’est l’attitude que prirent tout à coup les sectes dissidentes, et notamment celle des wesléiens. Pendant long-temps, un test rigoureux avait, au profit des anglicans, exclu les dissidens de toutes fonctions publiques, et c’est avec l’assistance des libéraux, avec celle des catholiques eux-mêmes, que ce test avait enfin succombé. On pouvait donc supposer que les dissidens ne refuseraient pas aux catholiques une faveur bien légère ; mais il arrive trop souvent dans le monde qu’une fois affranchis de leur chaîne, les persécutés se font persécuteur à leur tour. Tandis que l’église anglicane restait comparativement calme et froide, les sectes dissidentes se mirent donc à la tête du mouvement, et lui donnèrent en peu de jours un caractère alarmant. Pour débuter, le comité central wesléien publia une circulaire à chacun des cinq cents circuits qui partagent le royaume, et demanda des pétitions en masse contre le bill papiste de sir Robert Peel. Le feu alors prit à toutes les têtes, et l’Angleterre protestante fut, en peu de jours, sur pied aussi bien que l’Écosse : ici des prédicateurs qui, en chaire même, représentaient sir Robert Peel comme séduit par les caresses adultères du papisme, et prêt à sacrifier le Sauveur à sa honteuse passion ; là des orateurs, presque toujours ecclésiastiques, qui, dans les réunions nombreuses et tumultueuses, rappelaient que George IV était mort peu de temps après l’émancipation des catholiques et semblaient prédire à la reine un sort semblable ; ailleurs,