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faire sans inconvénient, à s’en dédommager. Voici, en très peu de mots, en quoi consistait la question.

Ce sont les missionnaires qui, les premiers, avaient pénétré dans la Nouvelle-Zélande, et qui s’y étaient établis. Prêtres et commerçans à la fois, ils se regardaient comme les maîtres de l’île, quand, selon la coutume anglaise, une grande compagnie se forma à Londres, qui, s’emparant de certaines terres incultes, ou les achetant fictivement pour les revendre, posa les bases d’une colonisation plus étendue. Enfin vint le gouvernement lui-même, qui, pour déjouer les projets de la France, planta un beau jour le drapeau national sur la Nouvelle-Zélande, et conclut avec les naturels une espèce de traité par lequel la possession de leurs terres leur était assurée, à condition qu’ils reconnaîtraient la souveraineté de l’Angleterre. Il y avait donc, outre les naturels eux-mêmes, trois intérêts en présence : les missionnaires, la compagnie, le gouvernement. De là des conflits, des rivalités, en un mot une véritable anarchie dans le pays. C’est surtout entre la compagnie et le gouvernement que la querelle était vive. D’une part, la compagnie reprochait au gouvernement de l’avoir, par un simulacre de traité, de droits acquis, de droits incontestables, et d’être ainsi la cause première de la révolte des naturels et de l’état fâcheux de la colonie ; elle accusait aussi lord Stanley, ministre des colonies, de l’avoir trompée, et de lui avoir communiqué des instructions différentes de celles qu’il avait adressées au gouverneur, le capitaine Fitzroy. De l’autre, le gouvernement soutenait qu’après s’être emparée violemment, ou par des contrats fictifs, de terres qui ne lui appartenaient pas, la compagnie avait eu le tort grave de les vendre sans savoir même si elle pourrait les livrer. Des deux côtés retentissaient ainsi les mots de mauvaise foi et d’improbité.

Les choses en étaient là quand la question fut soulevée dans le parlement par M. Aglionby et par M. Charles Buller, qui attaquèrent très vivement, très personnellement lord Stanley. Dans un autre temps, ce ministre eût trouvé parmi les tories de zélés, d’ardens défenseurs, et l’affaire eût été promptement étouffée Cette fois, telle fut l’attitude froide, indifférente, presque hostile des tories, que le débat devint très sérieux pour le ministère, et que sir Robert Peel ne put s’en tirer qu’à l’aide de quelques concessions et en promettant de s’arranger avec la compagnie. À ce sujet, toute la politique coloniale de l’Angleterre fut mise à nu, et toute la tactique du gouvernement anglais dévoilée. Ainsi, c’est presque sans contestation que M. Charles