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personne, et, en présence de l’agitation toujours croissante, il fallut bien accepter le combat tel qu’il était offert. Dans deux lettres longues et curieuses, l’évêque d’Exeter, tout en accordant aux congrégations le droit de conseil ou de pétition, leur refusa donc tout autre droit, et réclama de tous les fidèles une obéissance absolue. Comme évêque, il lui appartenait exclusivement de veiller à l’exécution de la rubrique et de maintenir l’uniformité. Lui résister, c’était résister à l’ordre établi par Dieu même, c’était tomber dans le schisme. Il fallait d’ailleurs se réjouir que la question de l’autorité de l’église, cette grande question, se posât sur des futilités telles que le surplis et les cierges. Il en serait plus aisé de savoir qui reconnaissait cette autorité et qui prétendait s’y soustraire.

Ainsi, d’un côté, les congrégations manifestant leur opposition par des pétitions, par des placards, par des réunions tumultueuses, par de véritables émeutes ; de l’autre, les évêques donnant des ordres et réclamant, au nom de Dieu même, une obéissance qu’on leur refusait ; puis, au milieu de tout cela, des églises vides, des ministres insultés, un désordre et une confusion sans exemple : voilà la situation. Il est inutile de dire que les journaux, quotidiens ou non, ne restaient pas étrangers à la querelle. À l’exception du John Bull, presque tous se prononçaient contre les évêques, presque tous encourageaient les congrégations à la résistance, presque tous déclaraient que, si l’église anglicane voulait ressusciter les momeries papistes, cette église était perdue. De tous côtés d’ailleurs, on demandait qu’une autorité supérieure mit fin à toutes ces querelles et rétablît la paix dans l’église. Cette autorité, où était-elle ? Les uns parlaient d’une convocation ; mais en supposant qu’il fût possible de faire revivre, dans le XIXe siècle, ces vieux parlemens ecclésiastiques, depuis long-temps tombés en désuétude, et qui, sous Elisabeth même, n’avaient plus qu’une existence nominale, que de difficultés à surmonter pour en venir là, et que de questions préliminaires à résoudre ! Ne fallait-il pas déterminer les électeurs et les éligibles, régler le mode d’élection et la forme des délibérations, fixer les droits, les fonctions, les devoirs de l’assemblée élue ? Et tout cela fait, la convocation étant privée de tout pouvoir coercitif, chacun ne resterait-il pas maître d’obéir ou de désobéir à ses décisions ? Autant vaudrait, ainsi que le remarquait le Chronicle, « convoquer un ouragan dans une vieille maison. » L’idée d’une convocation écartée, d’autres levaient les yeux vers la reine et pensaient à invoquer sa suprématie religieuse, mais qu’est-ce que la suprématie religieuse de la reine depuis que tous ses pouvoirs, toutes ses prérogatives,