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ennemis, transaction plus ou moins habile à l’aide de laquelle la main puissante de l’état essaya, sinon de réconcilier, du moins de faire vivre en paix, l’élément protestant et l’élément catholique. On y réussit jusqu’à un certain point, non pourtant jusqu’à détruire les deux tendances, qui, en toute occasion, essayèrent encore de se faire jour. Il faut néanmoins reconnaître que depuis la grande tentative de Laud, depuis surtout la chute des Stuarts, la tendance catholique fut la plus faible, et disparut presque entièrement. Il y avait bien, au sein de l’église anglicane, la haute et la basse église : la première, qui concédait davantage à l’autorité épiscopale, à la tradition, et qui défendait avec plus d’énergie l’alliance de l’église et de l’état ; la seconde, qui, dans l’interprétation des saintes Écritures, accordait plus au jugement individuel et qui, vis-à-vis des évêques eux-mêmes, conservait une certaine indépendance ; mais, pour l’une comme pour l’autre, le mot de catholique restait un mot impie, et l’église romaine un objet d’horreur et d’effroi.

Les choses en étaient là quand, vers 1830, un petit groupe de ministres anglicans, membres de l’université d’Oxford, hasardèrent avec quelque timidité des doctrines qui, dès le début, attirèrent l’attention et soulevèrent une assez vive polémique. Selon eux, l’église anglicane avait, depuis la révolution, singulièrement dévié du point où avaient voulu l’arrêter ses illustres fondateurs. Il importait donc de remettre en lumière des vérités qu’elle avait laissé obscurcir, et de restaurer des prérogatives qu’elle avait abandonnées. C’était d’ailleurs dans la rubrique et la liturgie bien plus que dans les trente-neuf articles qu’il convenait de chercher l’esprit véritable de l’église. Or, la liturgie et la rubrique indiquaient entre le protestantisme et le catholicisme romain une voie moyenne, via media, où il importait de se tenir.

Telle fut la première position prise par le docteur Pusey et par M. Newman dans les célèbres traités (tracts) qui, pendant plusieurs années, ont alimenté la polémique religieuse de l’Angleterre ; mais bientôt le docteur Pusey, M. Newman surtout, allèrent plus loin, et, par la hardiesse de leurs opinions, épouvantèrent le vieil esprit protestant. Ils affirmèrent en effet que la Bible ne pouvait servir de seule règle de foi, et qu’elle devait être interprétée, expliquée, développée, par les écrits des pères de l’église et par la tradition. Ils nièrent avec mépris les droits du jugement privé et donnèrent à la parole du prêtre régulièrement ordonné une autorité supérieure. Ils blâmèrent la distribution immodérée des saintes Écritures aux ignorans comme aux savans sans commentaire et sans glose. Ils attribuèrent