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pas sa situation, et tendait peu à reconstituer le parti tory avec sa confiance, avec son enthousiasme, avec son unanimité de 1841. Il faut ajouter que chaque jour la polémique des journaux tories devenait plus violente et plus amère. Après l’incident de la clause de dix heures le Times, le Post, le Standard même, avaient gémi, douloureusement gémi, sur la décadence du parti conservateur, de ce parti incapable, selon eux, de rien faire pour le peuple ou pour l’aristocratie. Après l’affaire des sucres, ce fut un concert bien plus bruyant encore de lamentations et d’invectives. « Mieux vaut, dirent-ils, mieux vaut cent fois que désormais les serviteurs de sir Robert Peel s’abstiennent de toute velléité d’indépendance. Mieux vaut qu’ils adoptent franchement et hautement la maxime orientale : Entendre, c’est obéir. Pourquoi le parti conservateur continuerait-il à mettre à nu le collier dont son cou est entouré ? Pourquoi se plairait-il à faire savoir à tout le monde qu’il vote contre sa conscience ? Le peuple ne saurait pas quels esclaves vous êtes sans vos puériles mutineries. Mettez donc un terme à cette guerre servile, à cette guerre honteuse, dans laquelle, pour vous faire rentrer dans l’ordre, il suffit à votre maître d’un fouet au lieu l’épée. Sachez-le bien d’ailleurs, peu importe à sir Robert Peel que vous soyez ou ne soyez pas de son avis. Il vous permet de le détester à votre aise, pourvu que vous passiez sous le joug et que vous votiez comme il l’entend. Peut-être un jour vous lasserez-vous de vous traîner dans la boue à son profit. Jusque-là épargnez à l’Angleterre un spectacle ridicule, et conserver, dans votre esclavage, l’attitude humble et silencieuse qui vous sied. »

Ainsi parlait la presse tory, et la presse libérale ne manquait pas de relever avec joie ses plaintes et ses conseils. Des deux parts d’ailleurs, on s’accordait pour faire ressortir la stérilité, l’inanité de la session. Par une mesure hardie et heureuse, le cabinet avait réduit d’un quart pour cent (de 3 et demi à 3 un quart) l’intérêt de la dette publique. Il avait, en outre, fait passer sur la banque un plan bien conçu, et qui obtenait l’approbation générale. Enfin il avait obtenu malgré d’assez vives résistances, un acte qui, pour les lignes de chemins de fer non encore votées, devait remédier à des abus nombreux et patens. En revanche, que de mesures mutilées ou délaissées ! Les deux bills de lord Elliott sur La franchise parlementaire et municipale en Irlande, le bill des cours ecclésiastiques, le bill des cours de comté, et plusieurs autres abandonnés par les ministres eux-mêmes ; le bill des sucres, le bill des manufactures, le bill pour la réforme des lois sur les pauvres, arrachés par violence à la majorité et virtuellement condamnés, tel était le produit