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plaidaient avec chaleur en faveur du principe philanthropique. C’est dans ces circonstances qu’un nouveau bill fut présenté, presque semblable au dernier et qui maintenait la clause de 12 heures. Ce bill ayant été lu deux fois pour la forme, et plusieurs amendemens en sens divers ayant été écartés, lord Ashley reparut sur la scène, et proposa de nouveau la clause de 10 heures mais, dans l’espace d’un mois, le parti tory s’était fort amendé. A la voix de sir Robert Peel, qui jetait fièrement le gant à ses adversaires et posait la question de cabinet, ce parti revint presque entier sous le drapeau, et ne laissa qu’un faible appoint autour de lord Ashley. La clause qui, en avril, avait partagé la chambre en deux fractions égales, fut donc, en mai, rejetée par 297 voix contre 159, aux éclats de rire prolongés de l’opposition.

L’issue malheureuse et, qui pis est, ridicule de cette première tentative devait, pour quelque temps du moins, étouffer dans le camp tory toute velléité d’insurrection. Il n’en fut rien, et la question des sucres devint l’occasion d’une seconde révolte.

On sait que, dans son fameux budget de 1842, sir Robert Peel, enchaîné par ses déclarations antérieures, avait complètement mis de côté la question des sucres. Le sucre colonial restait imposé à 24 sh. le quintal, et le sucre étranger à 63 sh., sans distinction d’origine. C’était, à vrai dire, une prohibition déguisée et un monopole bien complet au profit des planteurs. Entre ce monopole et les principes récemment professés par sir Robert Peel, il y avait néanmoins une telle discordance, qu’il devenait difficile, si ce n’est impossible, de le maintenir sans altération, surtout quand, par suite de la diminution de la production coloniale, le prix du sucre allait sans cesse augmentant. D’un autre côté, sir Robert Peel avait si vivement reproché au budget whig de donner une prime au travail esclave, et d’encourager ainsi l’esclavage, qu’il n’osait guère démentir ses paroles en revenant au plan même de ses adversaires. Pour se tirer d’embarras, il imagina d’établir une distinction entre le sucre produit du travail esclave et le sucre produit du travail libre, et d’imposer celui-ci à 34 sh. seulement, en laissant subsister pour celui-là le droit de 63 sh. C’était, comme les whigs n’eurent pas de peine à le démontrer, et comme l’expérience l’a prouvé depuis, une mesure aussi absurde qu’impraticable. Le parti tory pourtant la soutint tout entier, et l’amendement de lord John Russell, qui proposait pour tous les sucres étrangers le chiffre de 34 su., fut rejeté par 197 voix contre 128 ; mais, peu de jours après, un membre du parti agricole, M. Miles, fit aussi son amendement. Celui-ci consistait à réduire le droit sur tous les