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de la république orientale qui sont ou peuvent être occupés par des troupes au service du gouvernement argentin. Rosas a définitivement rejeté l’ultimatum de la France et de l’Angleterre ; aussitôt la notification de ce rejet, les forces combinées des deux puissances se sont emparées de l’escadre argentine devant Montevideo ; puis, sur le refus d’Oribe de se retirer, elles ont débarqué quinze cents marins et bloqué le port. Il était difficile que la conduite de Rosas n’amenât pas ces démonstrations. La France et l’Angleterre avaient parlé trop haut pour rester inactives et impuissantes devant le refus hautain du dictateur de la république argentine. Il entre sans doute dans les intentions des deux gouvernemens de ne rien précipiter et d’agir avec une grande prudence. La déclaration et l’exécution du blocus mettant à couvert l’honneur et l’amour-propre des deux puissances, elles peuvent maintenant calculer mûrement leur conduite et leurs coups.

Le gouvernement n’a point encore fait connaître quelle attitude il entend prendre pour venger les vexations exercées à Madagascar sur des sujets français et la mort des braves marins qui ont succombé dans une lutte inégale contre les Ovas. Il y a à choisir entre un vigoureux coup de main qui fasse payer cher aux Ovas l’avantage qu’ils ont dû au nombre, ou une expédition qui aurait pour but de conquérir Madagascar. Là aussi se présentera la question de savoir dans quelle mesure et sous quelles réserves la France accepterait la coopération de l’Angleterre. Si l’on croit pouvoir tirer vengeance des Ovas avec les forces qui sont à Bourbon, il est permis de penser que le cabinet puise sa circonspection dans la gravité des évènemens qui sont venus fondre sur lui. N’est-il pas en effet remarquable qu’un cabinet dont la prétention est de faire régner la paix partout soit amené pour la seconde fois à entreprendre une campagne dans le Maroc, et cela au moment où il établit le blocus de la République Argentine ? Tout cela ne laisse pas que de charger un peu l’horizon, et nous montre les intentions politiques du cabinet maîtrisées et dépassées par les évènemens.

M. le ministre des affaires étrangères vient de placer trois grands-cordons de la Légion-d’Honneur d’une façon qui peut être utile aux relations de la France : il en a envoyé un au pacha d’Égypte, un autre au bey de Tunis. C’est la première fois que des grands-cordons sont donnés à des musulmans, et on assure que le pacha et le bey ont eux-mêmes sollicité cet honneur. Le troisième grand-cordon a été adressé à M. Coletti. C’est une distinction justement accordée au ministre grec qui comprend si bien que c’est une bonne manière de servir la cause de l’indépendance hellénique que de s’appuyer sur les sympathies toujours si désintéressées de la France.

Les voyages politiques, comme les voyages de plaisir et de santé, touchent à leur terme. On avait annoncé que l’impératrice de Russie devait bientôt arriver à Palerme ; cependant, malgré les préparatifs ordonnés par le roi de Naples pour l’y recevoir, il ne paraît pas qu’elle doive y passer l’hiver. À Berlin, où l’impératrice s’est arrêtée au milieu de sa famille et auprès du roi son frère, les médecins ont été d’avis que le climat de Nice conviendrait beau-